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tristesse. Oh ! c’est la patrie, pour ainsi dire, qu’il regarde s’éloigner de lui. En vain il tendait les bras, les rivages le repoussent. Bientôt les ombres du soir tombent sur la cité, comme un voile funéraire ; les lampes montrèrent dans la nuit leur œil rouge, puis tout s’effaça dans les ténèbres, au détour de l’île, d’Orléans, en arrachant à George un soupir ; les ombres plus épaisses, envahissaient la mer et enveloppait le navire. George sentit rouler sur sa main des larmes brûlantes : Adieu ! s’écria-t-il, et sa main tomba involontairement dans le vide ; adieu ! vous tous que j’aime et toi surtout mon Alexandrine chérie. Puisse le ciel te couvrir de son ombre protectrice ! Puisse celle que j’invoque là haut, te protéger jusqu’au jour où le cœur débordant d’une joie mal contenue, je reviendrai te presser dans mes bras. Je pars, mais pour revenir ; si l’on peut vivre à l’étranger, c’est dans son pays que l’on veut mourir.

Le souper venait de sonner à bord. Tout fut tranquille. George parle le moins possible, afin que son mauvais anglais n’excitât l’hilarité de ses compagnons. Près de lui, à table, se trouva un grand jeune homme blond, aux yeux bleus et dont le front large attestait un esprit supérieur. Comme toutes les âmes d’élite, il avait un air modeste qui allait bien à son extérieur. Une sympathie involontaire les porta de suite à se rechercher, à se rapprocher l’un de l’autre.