— Rien assurément de ce que vous ont dit ces deux messieurs, répondit celui-ci en se dandinant. Ce qu’on fait là-haut ? Mais qu’y peut-on faire, sinon boire, manger, diner, souper, fumer et dormir ; aller au bois, au cercle, aux eaux ou ailleurs, acheter des chevaux et en revendre ; parier, jouer et être amoureux tant qu’on a de l’argent ; se ruiner enfin corps et biens, puis prendre alors congé de ses créanciers, en laissant pour tout héritage aux héritiers qu’on a, quand on en a, le souvenir d’une vie si belle et si utile ?
— À la bonne heure, dit Satan, voilà un garçon intéressant ! Comment vous nomme-t-on, mon petit ami ? Étiez-vous duc ou marquis, ou seulement fils de bourgeois parvenu ?
— Monsieur, dit l’ombre, j’étais riche, et mon blason était un écu.
— Pourquoi cet air égaré ? dit encore Satan à un quatrième.
— Un jour, dit celui-ci, je laissai là mes livres, mes chers livres ! — On se battait dans les rues ; la mémoire du passé, les leçons de l’histoire, et je ne sais quelle funeste envie de bien faire, me poussèrent au milieu des combattants. « Vive la liberté ! » m’écriai-je. C’était un crime ; on m’emprisonna : je perdis la raison, — et me voici.
— Ah ! oui, dit Flammèche, la liberté ou la mort. Tu as eu la mort ; de quoi te plains-tu ?
— Allons donc, dit un estafier de l’enfer, on ne meurt plus en prison ; qui te croira ?
— Ton sang n’a pas coulé, et tu demandes de la pitié ? dit une troisième voix ; la mort t’a laissé ta folie.
— Que ne faisais-tu comme ce beau fils ? s’écria Satan avec humeur ; on t’aurait laissé faire. »