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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 1.djvu/66

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Charbonnant en sifflant mille croquis impurs ;
Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère,
Le nom du ciel pour lui n’est qu’une farce amère ;
C’est le libertinage enfin en raccourci,
Sur un front de quinze ans c’est le vice endurci.

Et pourtant il est brave, il affronte la foudre,
Comme un vieux grenadier il mange de la poudre,
Il se jette au canon en criant : Liberté !
Sous la balle et le fer il tombe avec beauté.
Mais que l’Émeute aussi passe devant sa porte,
Soudain l’instinct du mal le saisit et l’emporte,
Et le voilà, courant en bande de vauriens,
Molestant le repos des tremblants citoyens,
Et hurlant, et le front barbouillé de poussière,
Prêt à jeter à Dieu le blasphème et la pierre.

Ô race de Paris, race au cœur dépravé,
Race ardente à mouvoir du fer et du pavé,
Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes
Ainsi que des fiévreux tous les porte-couronnes !
Flot hardi qui trois jours s’en va battre les deux
Et qui retombe après, plat et silencieux !
Race unique en ce monde ! effrayant assemblage
Des élans du jeune homme et des crimes de l’âge !
Race qui joue avec le mal et le trépas,
Le monde entier t’admire et ne te comprend pas !

Il est, il est sur terre une infernale cuve :
On la nomme Paris ; c’est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours,
Qu’une eau jaune et terreuse enferme à triples tours ;
C’est un volcan fumeux et toujours en haleine,
Qui remue à longs flots de la matière humaine,
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d’une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.


auguste barbier.