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CE QUE C’EST QU’UN PASSANT


Un soldat, un prêtre, un fonctionnaire, un ouvrier portant les attributs de leur état social ne sont pas des passants.

Un passant est quelqu’un qui ressemble à tout le monde et qui ne peut se distinguer de personne.

Ce qui ressemble le mieux à un passant, c’est un autre passant.

Il n’y a de passants qu’à Paris. Un provincial ne sait pas ou sait mal ce que c’est qu’un passant.

Un homme qu’on connaît n’est point un passant. On sait toujours plus ou moins en province ce qu’est un homme qui passe, et où il va. Un passant est un homme qui va on ne sait où. Il n’y a donc de passants en province que pour les étrangers.

Il ne faut pas confondre l’homme qui se promène avec le passant.

Un homme qui se promène a l’air d’aller partout ou de n’aller nulle part. Un passant est un homme qui va quelque part.

Les gens qui se promènent, n’eussent-ils pour guide que le hasard, sont des gens qui se cherchent et semblent venus où ils sont, exprès pour se regarder. Les passants sont des gens qui se rencontrent, qui se croisent et qui, à moins qu’ils ne se coudoient, passent outre sans s’apercevoir même qu’ils se sont rencontrés.

Le passant est quelqu’un qui est seul et qui reste seul au milieu de tout le monde, qui ne se soucie pas de vous et qui vous est indifférent, à tort peut-être, — car tout passant est un secret.