Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 2.djvu/14

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peut-être émergé à cette époque, et il dut apparaître comme une plaine blanche, nue, brûlante, à fond inégal et bosselé, ayant des eaux douces, stagnantes, coupée de buttes plus ou moins élevées, parmi lesquelles se distinguaient déjà celles de Meudon et du mont Valérien. Mais cet état de choses dura peu ; le bassin de Paris redevint, non plus une mer, mais une sorte de lac maritime qui renfermait encore Londres et Bruxelles, lac qui a déposé dans les creux laissés par la craie le terrain dit parisien. Ce terrain se compose d’abord des dépôts de l’argile plastique ; argile onctueuse, tenace, qui prend aisément la forme qu’on lui donne et sert à faire des porcelaines et des poteries : on y trouve des débris de palmiers et de coquilles d’eau douce. Au-dessus de l’argile sont des dépôts puissants de calcaire grossier, plus ou moins sableux, et d’où l’on peut dire que Paris est tout entier sorti, puisque c’est de là qu’on a tiré les immenses amas de la pierre avec laquelle tous nos édifices sont construits. Cette pierre renferme d’innombrables débris de coquilles avec leurs arêtes les plus délicates, leurs épines les plus saillantes, quelques-unes même avec leurs couleurs et leur éclat nacré. Chaque couche renferme des espèces différentes, tant le dépôt s’est fait par assises successives, suivant les retraits et les retours de la mer, et pendant un temps qu’on ne saurait calculer. La butte Chaumont, la butte Montmartre, les coteaux de Saint-Cloud et de Meudon ont été creusés, fouillés, évidés pour en tirer ce précieux calcaire. Nos catacombes, ces immenses galeries souterraines qui s’étendent sous les quartiers méridionaux de la capitale, ne sont que les anciennes carrières de cette même pierre. On sait que, avec notre respect ordinaire pour les morts, nous avons essayé de combler ces gouffres où peut-être un jour une moitié de la ville s’engloutira avec les ossements de nos pères : idée philosophique qui date très-judicieusement de 1785, et que notre époque utilitaire et économique pourrait envier ; mais tant de milliers de mètres cubes avaient été extraits de ces carrières, qu’avec sept ou huit millions de squelettes, matériaux de remblai, composant toute la population de Paris depuis Clovis, on n’a pu garnir les murailles des catacombes qu’avec d’élégantes guirlandes de fémurs, de jolies colonnettes de crânes, décoration d’opéra qu’il était de bon goût de visiter sous l’empire et sous la restauration, et à laquelle la mode ne peut manquer de revenir il ne faut pour cela que la recommandation d’un bon procès de cour d’assises, ou bien encore de quelque feuilleton monstrueux.

Au-dessus du calcaire grossier se trouve le calcaire siliceux dans