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Ils sont seuls, ils peuvent se dire leurs petits mots d’amitié, défiler le chapelet de leurs mignardises secrètes.

« On veut donc plaire à sa petite fille ? dit Caroline en mettant sa tête sur l’épaule d’Adolphe, qui la baise au front en pensant : — Dieu merci, je la tiens !… »

Axiome.

Quand un mari et une femme se tiennent, le diable seul sait celui qui tient l’autre.

Le jeune ménage est charmant, et la grosse Mme Deschars se permet une remarque assez décolletée pour elle si sévère, si prude, si dévote.

« La campagne a la propriété de rendre les maris très-aimables. »

M. Deschars indique une occasion à saisir. On veut vendre une maison à Ville-d’Avray, toujours pour rien. Or la maison de campagne est une maladie particulière à l’habitant de Paris. Cette maladie a sa durée et sa guérison. Adolphe est un mari, ce n’est pas un médecin. Il achète la campagne et s’y installe avec Caroline, redevenue sa Caroline, sa Carola, sa biche blanche, son gros trésor, sa petite fille, etc.

Voici quels symptômes alarmants se déclarent avec une effrayante rapidité :

On paye une tasse de lait vingt-cinq centimes quand il est baptisé, cinquante centimes quand il est anhydre, disent les chimistes.

La viande est moins chère à Paris qu’à Sèvres, expérience faite des qualités.

Les fruits sont hors de prix. Une belle poire coûte plus prise à la campagne que dans le jardin (anhydre !) qui fleurit à l’étalage de Chevet.

Avant de pouvoir récolter des fruits chez soi, où il n’y a qu’une prairie suisse de deux centiares, environnée de quelques arbres verts qui ont l’air d’être empruntés à une décoration de vaudeville, les autorités les plus rurales, consultées, déclarent qu’il faudra dépenser beaucoup d’argent, et — attendre cinq années !…