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Brun, Bossuet, Molière, Boileau, La Fontaine, Fouquet, enfin tout ce que le dix-septième siècle offrait de grand, de remarquable, d’illustre dans les armes, les lettres, la finance. Ces braves Picards, ainsi baptisés, avaient transmis ces noms avec la même bonhomie, les prenant sans doute pour des noms de saints et de saintes ; et voilà comment ils sont arrivés jusqu’à nous et se conserveront longtemps dans un village de la Picardie.

la coquetterie parisienne.
grande discussion élevée à ce sujet entre un jésuite et un ministre du commerce.

Pendant la restauration un prédicateur fort éloquent, un missionnaire, un jésuite enfin, vint prêcher la mission à Paris. Une grande affluence attestait son succès ; et non-seulement on admirait ce qu’il disait en chaire, mais on commençait, chose rare partout, à suivre ses préceptes de rigoureuse morale.

Elle était des plus rigides. Il attaquait, avec une frénétique colère, la coiffure des femmes, le luxe de leurs chapeaux, la frivolité damnable de leurs rubans, l’épouvantable richesse de leurs étoffes de soie, la ruineuse élégance de leurs chaussures. Il avait déjà réussi à émonder considérablement l’arbre immense des superfluités, lorsqu’il disparut tout à coup, au milieu de sa gloire et au grand étonnement de tous ceux qui couraient en foule recueillir sa parole. La chaire resta vide et muette. Qu’était devenu le fameux prédicateur ? Pourquoi, comment, murmurait-on dans le monde, dans les salons, dans les rues, avait-il quitté si brusquement Paris ? Questions qui restèrent sans réponse jusqu’à l’événement de juillet 1830. On sut alors le motif de cette soudaine disparition.

Le ministre du commerce avait fait prier le prédicateur de passer à son hôtel, et il lui avait dit avec tous les ménagements dus à un homme revêtu d’un caractère religieux : « Monsieur, au moyen âge, les peuples ne vivaient que de religion, et je ne les en blâme pas dans ma pensée ; mais, depuis cette époque, le travail a pris la place de la méditation, et nous vivons beaucoup maintenant, d’industrie et de commerce. L’industrie ne se soutient, ne s’augmente que par l’exportation. C’est ici, monsieur, que je vous prie de m’accorder votre meilleure attention. Les Parisiens, que vous avez édifiés par votre éloquence, expédient pour cent millions de marchandises environ dans les pays étrangers. En général