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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 2.djvu/75

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carrés de légumes, et une fille en sabots, jupon court, les bras nus, tourne la manivelle d’un puits. C’est une ferme en pleine Normandie. — Plus loin, un grand mur qu’on suit pendant longtemps et qui rend la rue sombre. De grands marronniers apparaissent au-dessus de ce vieux mur couronné de mousse et de lierre. C’est un couvent qui est là derrière : voici la petite porte avec ses clous saillants, sa serrure à peine visible sous la poussière et la boue ; à droite et à gauche, deux bornes immenses et pointues. Au milieu de cette porte épaisse, enfoncée dans la pierre, est un grillage à barreaux solides, puis une petite croix. Des enfants déguenillés montent sur les bornes, jouent aux billes dans les coins, et tout à coup dans cette ruelle sombre, humide, et qui sent le renfermé, on entend le son lent et triste de la cloche à travers les arbres. Cloche de monastère, plaintive et discrète, pénétrante. On songe à la Chartreuse de Pavie, et, en se retournant, on aperçoit un écriteau sur lequel on lit : Pension bourgeoise. Trois marches, une porte à barreaux verts et, dans l’intérieur, un jardinet à sable jaune, une treille, un vase au fond, et deux petits Amours en plâtre, à droite et à gauche d’un banc de gazon.

Est-ce la pension bourgeoise où Vautrin enjôlait Rastignac ? N’était-ce pas dans ce quartier ? — Oui, sans doute. — Voilà la salle à manger du rez-de-chaussée, avec son papier jaune, son armoire en sapin jouant l’acajou ; la table est mise et une odeur de pomme moisie arrive jusqu’à moi. Oui, oui, madame Vauquier est là, dans la cuisine, qui taille les côtelettes et coupe les oignons. Derrière ce petit carreau fendu, orné de papier gris, n’est-ce point la large face du vieux Trompe-la-Mort qui fait mousser le savon, le rasoir à la main ? Mais passons !

D’immenses hangars encombrés de ballots. — les poutres noires s’enchevêtrent ; se perdent dans l’obscurité, et tout un monde d’êtres étranges, vêtus de loques, les bras nus, chaussés de souliers sans semelle, grouille dans ce milieu puant. C’est le dépôt d’un chiffonnier en gros. Là, une montagne d’os, ici un amas de vieux papiers, d’énormes balances pendent du faîte. Repaire de bandits, Cour des Miracles, comptoir du commerce… qu’est-ce ? Les ferrailles amoncelées semblent être des armes cachées sous la poussière. On entend des bruits de chaîne… Mais un sergent de ville qui passe accepte une prise de tabac du maître de la maison qui flâne sur sa porte, son gros ventre en avant.

À dix pas de là, une petite boutique de bric-à-brac où sont étalés dans une confusion charmante des chapelets, des boutons de culotte, des tabatières en cuir bouilli avec le portrait du général Foy et le profil des