Aller au contenu

Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 2.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Car les tableaux mis sur table n’ont qu’une importance secondaire. L’essentiel c’est d’écraser l’Angleterre dans la personne de lord Hertford, et de prendre ainsi de la grande défaite de Waterloo une revanche au moins partielle. C’est admirable comme patriotisme ; mais comme résultat artistique, cette façon nouvelle d’entendre la peinture ancienne produit ceci : que nous arrivons à payer cent mille francs les toiles qui en valent deux mille, sous prétexte qu’il fallait les disputer a lord Hertford, et que le jour où il est possible d’acheter pour six mille francs le seul portrait qui nous reste de Voltaire à trente-cinq ans, nous ne nous dérangeons même pas pour le voir, attendu que lord Hertford n’avait sur cette proie aucune intention sérieuse.


Les modes. — Les femmes honnêtes ont emprunté aux femmes qui ne le sont pas plusieurs fâcheux détails de toilette. Elles ont adapté, par exemple, avec une facilité blâmable, aux capuchons de leurs caracos ces houppes blanches qui tourbillonnent derrière leur dos. J’ai la conviction qu’elles auraient résisté plus longtemps à la séduction de la houppette blanche, si elles avaient su que, dans le monde opposé au leur, on a baptisé ces annexes du nom de « sonnettes de nuit. » Elles ont attaché, par la même occasion, à la passe de leurs chapeaux des rubans très-minces, mais excessivement longs, qui descendent quelquefois jusqu’aux dernières fortifications de la crinoline. Je leur apprends que ces amorces qui donnent de loin une idée de la pêche à la ligne ont été nommées, dans les wagons réservés aux biches, des Suivez-moi, jeune homme. On se dit très-bien avant d’aller aux courses :

« Mettras-tu ton « suivez-moi, jeune homme ? » Ma modiste m’a fait un « suivez-moi, jeune homme » qui ne va que jusqu’à la taille. Je ne ferai pas mes frais aujourd’hui. »


Les dompteurs. — Les philosophes prétendent que les passions sont plus difficiles à dompter que tous les lions de l’Atlas et toutes les panthères de Java. Au fond, les philosophes n’en pensent pas un mot ; il est facile d’en acquérir la preuve en leur présentant deux cages, l’une pleine de passions et l’autre remplie de jaguars, d’ours blancs et de tigres royaux ou seulement princiers. Leur choix ne serait pas douteux : ils entreraient dans la cage aux passions et s’y livreraient à toutes les cul-