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SOUS LE MARRONNIER DES TUILERIES
PAR OCTAVE FEUILLET

SCÈNE PREMIÈRE.
deux bourgeois.

premier bourgeois. — Qu’y a-t-il, compère ? vous avez la mine douloureuse, ce matin.

second bourgeois. — Mais vous semblez singulièrement triste vous-même, père Mathias.

premier bourgeois. — C’est que je viens de reconnaître que je m’étais trompé sur la vocation de mon fils.

second bourgeois. — J’ai de mon côté le même sujet d’affliction.

premier bourgeois. — Cela est singulier. Mon fils, dès son bas âge, n’aimait rien tant que de compter sur ses doigts, et de plier les mouchoirs de sa mère. Je le vouai au commerce.

second bourgeois. — C’est comme le mien, père Mathias. Rien de plus clair en apparence que sa vocation. Il ne pouvait souffrir d’être habillé autrement qu’en artilleur, et dès huit ans il battait du tambour de façon à surprendre tout le monde. Je l’ai fait étudier pour être militaire.

premier bourgeois. — Eh bien ! croiriez-vous que mon drôle n’a jamais pu discerner le mètre de l’aune, ni le coton de la soie ? c’est ce que vient de me déclarer son patron.

second bourgeois. — Le mien vient de prendre la fuite dans une escarmouche.

premier bourgeois. — Et cependant mon fils est rempli de moyens.

second bourgeois. — Cela ne m’étonne pas, père Mathias, car le mien est plein de courage. Adieu. (Ils s’éloignent.)