nancy. — Pourquoi cela ?
le général. Parce que cela sied à un homme, — surtout lorsqu’il est militaire, et qu’il a la barbe noire. Est-ce votre avis ?
nancy. — Oui, général. — Qu’est-ce qui nous salue, là-bas ?
le général. — C’est Beaudouin. Le pauvre diable ! savez-vous ce que lui vient de faire sa femme ?
nancy. — Pas du tout.
le général. — C’est très-plaisant. Mais je ne puis guère me permettre de vous en faire part.
nancy. — Comment vouliez-vous alors, monsieur, que je l’eusse appris d’un autre ?
le général. — C’est juste. — Au reste, voici ce que c’est. Vous savez, Nancy, que les histoires d’aides de camp séducteurs sont aussi connues que celles du vol à l’américaine. — Eh bien ! ne voilà-t-il pas Beaudoin qui présente son aide de camp à sa femme, et qui lui donne place à la table, au feu, et…
nancy. — Général, c’est un conte de bivouac, ceci.
le général. — Bref, ma chère, le dénoûment est mêlé de circonstances tellement inouïes, que les meilleurs amis de Beaudouin, et je suis du nombre, ne savent à quel saint se vouer pour ne pas lui rire au nez.
nancy. — Je ne comprends pas que l’on rie d’un mari trompé, à moins qu’il ne soit lui-même un homme à bonnes fortunes.
le général. — Oui, sans doute. Mais Beaudouin, ma chère, c’est une exception. Je vous dis qu’il y a des détails qui dérideraient un podestat, (Il rit.) __ Ah ! tenez, Nancy, voici Lespars, de qui je vous ai parlé.
nancy. — Qui ça, Lespars ?
le général. — Qui était mon aide de camp il y a deux mois.
nancy. — Ah ! c’est possible.
le général. — Comment, c’est possible ! — Je me suis tué avant-hier à vous conter l’histoire de sa blessure près d’Ouchda ! C’est lui qui fit ce beau coup de sabre avec un chef kabyle.
nancy. — Je croyais que vous m’aviez-dit qu’il était mort.
le général. — Non, puisque le voilà.
nancy. — Qui ? est-ce ce jeune homme en gilet blanc ?
le général. — Non, — pas celui-là ; plus près de la statue, là, une fine tête, de petites moustaches relevées.
nancy. — Il n’a pas une tournure militaire.