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et, de tout cela, elle veut qu’on lui fasse une robe de moire noire. C’est trop fort.

Toutefois leur conversation n’est pas ce qu’il y a de plus plaisant en elles ; c’est leur costume qui est admirable à étudier ! Dépêchons-nous d’en rire, car demain il sera plein de goût et d’élégance, et nous n’aurons plus qu’à le vanter. Mais aujourd’hui, quelle confusion ! quel amalgame ! que ces chiffons dépareillés sont étranges !


Ce que cherchent les Parisiennes. — Les Parisiennes n’ont à un si haut degré les passions de l’esprit que parce qu’elles n’ont pas les autres ; si elles avaient plus de sentiments, elles auraient moins d’idées ; si elles avaient plus d’amour, elles auraient moins d’ambition ; mais ce sont d’étranges personnes ; les Parisiennes ont une imagination dévorante et une nature froide, une vanité folle et un cœur plein de bon sens.

L’ambition, c’est toute leur vie ; avoir de l’importance, c’est tout leur rêve. L’amour n’est pour elles qu’un succès ; être aimée, c’est seulement prouver que l’on est aimable.

L’unique passion qu’elles puissent ressentir et comprendre, c’est la passion de la maternité, parce que l’amour maternel est une ambition sainte, un orgueil sacré.

Ce qu’il y a de plus rare à Paris, après une femme bête, c’est une femme généreuse. Il n’y a point d’exemple d’une riche héritière qui ait choisi un jeune mari parce qu’il était séduisant et beau ; celle-ci a voulu être ambassadrice, celle-là a voulu être duchesse.

Quand la femme d’un vieux maréchal goutteux vient à mourir, toutes les jeunes filles qui ont de belles dots, en s’éveillant pensent à lui… Madame la maréchale !… pour une âme tendre ce mot est si doux !

Plus une Parisienne est jeune, plus elle est ambitieuse et intéressée.

Une Parisienne sincère n’a pas une pensée généreuse avant trente ans ; à cet âge, elle s’interroge, elle se demande si elle ne s’est pas trompée de route, si les douces affections ne valent pas mieux que les hautes positions ; elle a un éclair de sensibilité, elle entrevoit, comme nous l’avons dit ailleurs, les vanités de la vanité ; elle consent à faire une expérience de cœur, elle se hasarde, elle se risque à aimer ; mais cet essai n’est pas de longue durée ; bientôt elle retombe dans la vérité de son caractère, elle revient à sa nature, et, après s’être faite la tendre protectrice de quelque jeune inconnu, elle se fait la gouvernante de quelque