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— Sans réclamer. Mais je t’ai invité à déjeuner, déjeunons. Je ne veux pas t’ennuyer de toutes ces histoires de courses.

— Je t’assure qu’elles me font le plus grand plaisir ; avec toi on pénètre dans les coulisses, pour nous autres provinciaux c’est toujours le grand attrait.

— Eh bien, mon bon, après déjeuner reste avec moi, si tu n’as rien de mieux à faire. J’attends plusieurs de nos amis, des gentlemen, l’entraîneur du cheval que je monte ; très-probablement aussi Maigret, le rédacteur du Turf, va venir me voir ; si tu aimes les histoires et les choses du sport, tu seras servi à souhait. Pour le moment ouvre la bouche, tantôt tu ouvriras les oreilles. »

Je n’étais pas à bout de mes étonnements avec mon ami Chopard du Vallon.

« Veux-tu sonner ? » me dit-il.

Le domestique qui m’avait introduit arriva à mon appel.

« Retirez-moi de là-dessous, dit du Vallon, et vous nous servirez le déjeuner. »

Les lampes et le suaire avaient produit de l’effet, car, lorsqu’il se leva, en moins d’une minute le parquet fut inondé de sueur ; les gouttelettes coulaient, passez-moi la comparaison, comme la graisse tombe d’un gigot dans une lèchefrite.

Il se débarrassa de son enveloppe en caoutchouc, et son domestique lui apporta un grand vase plein d’eau chaude dans laquelle nageait une éponge ; aussitôt il se fit des lotions sur tout le corps, et après qu’il eut été bien essuyé et bien frictionné avec des linges de laine, il endossa des vêtements de flanelle.

« Maintenant déjeunons, dit-il, je me sens faible. »

Franchement on l’eût été à moins.

Mais le déjeuner qu’il absorba n’était guère de nature à le réconforter ; tandis que j’avalais, avec la voracité d’un homme dont le repas est retardé de deux heures, une sole frite, quatre rognons à la brochette et trois tranches épaisses de pâté de perdreau truffé, il se contenta d’une rôtie trempée dans une tasse de thé et de quelques feuilles de cresson.

Je ne pus m’empêcher de lâcher une exclamation de surprise.

« En te regardant, dis-je, je ne peux pas comprendre comment il se trouve d’honnêtes gens pour accepter un pareil traitement et un pareil régime.

— Et la gloire ?