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LES DEUX LUXES

Qu’est-ce donc que votre luxe, s’il vous plaît ?

Vos maisons cachent leurs murs sous les bas-reliefs, les festons, les guirlandes, les frises et les cariatides.

L’or envahit vos appartements du haut en bas : de l’or sur vos papiers, de l’or sur vos lambris, de l’or à vos corniches que vous pouvez toucher du doigt en levant le bras.

Vous empruntez vos meubles à toutes les époques et à toutes les civilisations.

Il y a dans vos salons et dans vos chambres à coucher tant de chaises, de chauffeuses, de causeuses, de guéridons, de jardinières et d’étagères remplies de brimborions, qu’on n’y peut marcher qu’avec des précautions infinies, de peur d’accrocher, de renverser, de casser quelque chose.

Vous avez les cafés et les casinos les plus vastes et les plus brillants qu’on ait jamais vus : de la peinture du haut en bas, et presque autant d’or que dans vos maisons.

Vous avez des églises coquettes, mignonnes, de vraies bonbonnières, de l’or plus encore que dans vos cafés ; guère moins de peinture, et pas plus mauvaise.

Vos femmes dépensent en robes, en coiffures, en rubans et en cheveux cinq ou six fois plus que ne dépensaient leurs grand’mères ; le velours et le satin sont les deux seules étoffes qu’elles connaissent, et, à la seule pensée d’aller à deux bals avec la même toilette, elles se mettent à rire.

Vous donnez trois ou quatre dîners par hiver. La table est splendide : les cristaux, l’argenterie, les porcelaines croisent leurs mille feux sous les bougies du lustre et des candélabres, et les fleurs rares, dans les vases du Japon ou de Sèvres, mêlent leurs chaudes et riches couleurs à cet éblouissement, c’est un merveilleux coup d’œil. Potel ou Chevet a fourni le repas.

Vous donnez aussi la comédie et le bal. Deux jours à l’avance, les tapissiers s’emparent de vos appartements et les disposent pour la fête. Une fête magnifique : cinq cents personnes se pressent, se coudoient et