d’ardoises découpaient les uns sur les autres tant de chaînes bizarres, les clochers tatoués, gaufrés et guillochés des quarante-quatre églises de la rive droite ; des myriades de rues au travers ; pour limite, d’un côté, une clôture de hautes murailles à tours carrées (celle de l’Université était à tours rondes) ; de l’autre, la Seine coupée de ponts et charriant force bateaux : voilà la Ville au xve siècle.
Au delà des murailles, quelques faubourgs se pressaient aux portes, mais moins nombreux et plus épars que ceux de l’Université. C’étaient, derrière la Bastille, vingt masures pelotonnées autour des curieuses sculptures de la Croix-Faubin et des arcs-boutants de l’abbaye Saint-Antoine des Champs ; puis Popincourt, perdu dans les blés ; puis la Courtille, joyeux village de cabarets ; le bourg Saint-Laurent avec son église dont le clocher, de loin, semblait s’ajouter aux tours pointues de la porte Saint-Martin ; le faubourg Saint-Denis, avec le vaste enclos de Saint-Ladre ; hors de la porte Montmartre, la Grange Batelière, ceinte de murailles blanches ; derrière elle, avec ses pentes de craie, Montmartre, qui avait alors presque autant d’églises que de moulins, et qui n’a gardé que les moulins, car la société ne demande plus maintenant que le pain du corps. Enfin, au delà du Louvre on voyait s’allonger dans les prés le faubourg Saint-Honoré, déjà fort considérable alors, et verdoyer la Petite-Bretagne, et se dérouler le Marché aux Pourceaux, au centre duquel s’arrondissait l’horrible fourneau à bouillir les faux monnayeurs. Entre la Courtille et Saint-Laurent, votre œil avait déjà remarqué, au couronnement d’une hauteur accroupie sur des plaines désertes, une espèce d’édifice qui ressemblait de loin à une colonnade en ruine debout sur un soubassement déchaussé. Ce n’était ni un Parthénon, ni un temple de Jupiter Olympien ; c’était Montfaucon.
Maintenant, si le dénombrement de tant d’édifices, quelque sommaire que nous l’ayons voulu faire, n’a pas pulvérisé, à mesure que nous la construisions, dans l’esprit du lecteur, l’image générale du vieux Paris, nous la résumerons en quelques mots. Au centre, l’île de la Cité, ressemblant par sa forme à une énorme tortue, et faisant sortir ses ponts écaillés de tuiles, comme des pattes, de dessous sa grise carapace de toits. À gauche, le trapèze monolithe, ferme, dense, hérissé, de l’Université ; à droite, le vaste demi-cercle de la Ville, beaucoup plus mêlé de jardins et de monuments. Les trois blocs, Cité, Université, Ville, marbrés de rues sans nombre. Tout au travers, la Seine, « la nourricière Seine, » comme le dit le P. Du Breul, obstruée d’îles, de ponts et de