Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 4.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éclairée par une brèche du toit ; sur cette porte il y avait un écriteau, et sur cet écriteau :

« Madame Pigoche, nécromancienne. »

M. Palémon frappa ; la porte, mal close, céda sous sa main, et il se trouva face à face avec une vieille petite femme, affublée d’oripeaux bizarres et de haillons prétentieux.

Jamais l’art de Mlle  Lenormand n’avait été exercé dans un logis si sordide et par une sorcière si déguenillée.

« Monsieur veut-il que je lui fasse le grand jeu ? demanda la vieille d’un air grave. ;

— Non, madame, je ne viens pas consulter les cartes.

— Que voulez-vous donc alors ?

— Il s’agit d’une affaire importante dont je désire entretenir une personne qui se nommait, il y a vingt-cinq ans, Mlle  Colombe.

— Colombe ! s’écria la sibylle, d’une voix profondément émue ; vous demandez cette pauvre Colombe ?

— Oui, madame ; est-ce qu’elle ne loge plus ici ?

— Elle loge au cimetière, monsieur.

— Morte !

— Il y a longtemps. Morte ici, dans cette chambre, à la place même où vous êtes. Cela vous étonne, n’est-ce pas, qu’une femme, après avoir été si brillante, vienne finir ses jours dans un pareil taudis ?… Oui, c’est là votre pensée ; je la vois dans vos yeux… Il n’y a rien de caché pour moi : je lis dans le passé comme dans l’avenir. Vous avez connu Colombe lorsqu’elle était jeune et belle ; alors elle habitait un appartement meublé comme le palais d’une reine ; elle avait des diamants, des chevaux, des voitures ; elle jetait l’argent par les fenêtres. Vous avez vu tout cela, et vous ne comprenez pas qu’elle soit venue finir ici ? C’est pourtant l’histoire de plus d’une. Et moi aussi, monsieur, telle que vous me voyez, j’ai mené ce train-là, j’ai été jeune, jolie, riche et brillante comme Colombe…

— Vous êtes sa sœur, peut-être ?

— Non, monsieur, j’étais son amie seulement, sa meilleure amie. Ah ! nous avons fait bien des folies ensemble ! C’était le bon temps, alors ; nous avions vingt ans, comme dit la chanson. Mais, par malheur, ça ne dure pas toujours. Les mauvaises années arrivent, et alors, avec l’âge, tout change pour les pauvres femmes qui vivent de ce que la nature leur a prêté. Le commencement est toujours beau, la fin toujours