mariage avec un gant ! est-ce qu’on prête serment devant la justice avec un gant ? Léonce y pensa et se dit :
« Ces gens-là ont de certaines délicatesses de bon goût. Que fait un gant de plus ou de moins à la sainteté d’un serment ou à la signature d’un acte ? Rien sans doute. Et cependant il semble qu’il y ait plus de sincérité dans cette main nue qui se lève devant Dieu, ou qui appose le seing d’un homme en témoignage de la vérité. C’est un de ces imperceptibles sentiments dont on ne peut se rendre un compte exact, et qui existent cependant. »
Léonce y réfléchissait encore, lorsqu’on se mit en ordre pour sortir. M. Tirlot, garçon d’honneur, et par conséquent grand maître des cérémonies, était descendu pour faire avancer les voitures ; Léonce crut donc pouvoir offrir de nouveau son bras à Lise. Elle le prit d’un air peu charmé, mais sans faire attention qu’elle avait oublié de remettre son gant ; et voila Léonce qui marche à côté d’elle, la tête baissée, les yeux attachés sur cette main charmante doucement appuyée sur son bras.
Au premier aspect, Lise lui avait semblé une belle jeune fille ; mais tout en lui accordant de prime abord une beauté éblouissante de jeunesse et de fraîcheur, il n’avait pas pensé qu’elle possédât tous ces détails de grâce privilégiée, par lesquels les femmes du monde se vengent d’être pâles, maigres et fanées : il considérait cette main si soyeuse et si effilée, comme une rareté précieuse, égarée parmi des Auvergnats, et peu à peu ses yeux s’arrêtèrent sur un anneau passé à l’index, et portant une petite plaque en or. Sur cette plaque était gravée en caractères imperceptibles une devise que Léonce s’obstinait à vouloir déchiffrer. Il y mettait une telle attention, qu’il ne s’aperçut pas qu’ils étaient arrivés, et que l’on montait en voiture. Il sembla que Lise ne fût pas absorbée dans une si profonde contemplation ; car ces jolis petits doigts que Léonce admirait si assidûment s’agitèrent d’impatience, et finirent par battre sur le bras de Léonce un trille infiniment prolongé.
À ce moment Léonce regarda Lise ; au mouvement qu’il fit pour relever sa tête, elle le regarda, mais d’un air si moqueur, que Sterny ne voulut pas être en reste, et lui dit :
« Il paraît que mademoiselle est grande musicienne ?
— Et pourquoi ça ? fit Lise avec une petite mine de dédain.
— C’est que vous venez de jouer sur mon bras un galop ravissant. »
Lise rougit, mais cette fois, avec un embarras pénible, elle retira