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s’il passerait la seconde phalange qui prédit la soumission ; Lise pria, et pria sincèrement pour elle. On eût dit qu’il y avait un remords dans ce jeune cœur, et qu’elle demandait à Dieu un vrai pardon de sa faute.

Dieu le lui accorda ; car à la fin elle se releva calme, heureuse, forte : et au moment où l’on passa dans la sacristie elle se tourna vers Sterny, qui l’observait avec une attention marquée, et sans paraître s’en apercevoir, elle marcha à lui, prit son bras, et lui dit d’un tout autre ton que celui dont elle avait parlé jusque-là :

« Tout ceci vous ennuie sans doute beaucoup, monsieur ?

— M’ennuyer ! et pourquoi ?

— C’est que cela vous dérange de vos habitudes et de vos plaisirs, mais vous allez être bientôt délivré. »

V

Jusque-là Sterny, malgré les sollicitations de Prosper Gobillou et de M. Laloine, avait gardé in petto la résolution de ne pas rester une minute après la signature à l’église. Toute la grâce, toute la beauté de Lise même, en l’occupant beaucoup, ne l’avaient pas décidé à braver l’ennui d’une noce bourgeoise ; car il avait parfaitement compris que cela ne le mènerait à rien qu’à avoir admiré quelques heures de plus cette belle enfant.

Mais il lui sembla que la phrase de Lise était une espèce de congé qu’on lui donnait ; il pensa donc, et justement, que ce n’était pas lui qui serait délivré d’un ennui, et il ne voulut pas accepter cette manière d’être évincé ; aussi répondit-il à Lise :

« Je n’éprouve aucun ennui, mademoiselle, à faire une chose convenable et qui paraît avoir été désirée par Prosper et lui être agréable ; si elle ne l’est pas pour tout le monde, ce n’est pas moi qui me suis trompé, c’est votre beau-frère, et c’est lui que vous devez gronder de ma présence. »

Cette fois encore Lise fut vivement contrariée de s’être attiré cette admonestation faite avec une politesse sérieuse et à laquelle elle ne put rien répondre : car Léonce salua aussitôt et se retira dans un coin de la sacristie. Lise se cacha parmi ses jeunes compagnes, n’écoutant point leurs caquetages à mi-voix : elle était tout absorbée dans ses pensées, quand une autre jeune fille lui poussa vivement le coude en lui disant :