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— Ne me le demandez pas, monsieur : dansons, je vous en prie ; je ne vous en veux pas… je vous jure que je ne vous en veux pas, » ajouta-t-elle avec un mouvement nerveux et une expression de souffrance.

XII

Ils achevèrent leur galop, et Léonce vint encore remettre Lise auprès de sa mère.

Presque aussitôt, M. Tirlot s’avança pour réclamer ses droits, mais Lise lui dit avec une douce prière :

« Pas encore, monsieur Tirlot. Je suis toute malade ; j’ai le cœur oppressé… je souffre beaucoup. j’ai froid. »

Sterny la regarda ; elle était plus pâle, et ses lèvres tremblaient d’une vibration convulsive.

Sa mère, à cet aspect, parut très-alarmée, et lui dit tout bas :

« Viens, viens, mon enfant.

— Oui, maman, oui, » lui dit-elle d’une voix entrecoupée.

Et elle se traîna hors du salon en s’appuyant sur le bras de sa mère.

« Mais qu’a-t-elle donc ? s’écria Léonce s’adressant à M. Tirlot.

— Ah ! mon Dieu ! fit celui-ci d’un air de sincère pitié, toujours la même chose, des palpitations de cœur terribles ; la moindre fatigue lui fait mal, et une émotion violente serait capable de la tuer.

— De la tuer ! se dit Léonce ; et moi… qui sait ? quand je la regardais avec cet air de dédain, quand je lui rapportais si sottement ce bijou que je savais ne pouvoir appartenir qu’à elle seule, et qu’elle ne m’avait pas redemandé, sachant que je l’avais, peut-être ai-je été blesser grossièrement cette âme délicate, qui s’abandonnait gaiement à la joie d’un succès d’enfant. Ah ! pauvre enfant ! pauvre enfant !… ah ! si je le pensais ! C’est d’une sottise, d’une brutalité indignes ! »

XIII

Léonce s’en voulait. Jouer avec la niaiserie, la vanité d’une petite prude de comptoir, ce pouvait être amusant ; mais heurter sans raison la sensibilité maladive d’une enfant si belle, et que l’amour dont on l’entourait attestait si bonne, si vraie, si naïve, c’était odieux. Léonce