Page:Gayda - Ce brigand d’amour !, 1887-1888.djvu/6

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— Ça serait…

Il n’acheva pas ; mais il la pressa plus fort.

Elle rougit, hésitante, se défendant avec un regard qui acquiesçait, heureuse et craintive à la fois.

Enfin, Pierre l’embrassa sur ses lèvres rouges et fraîches. Elle lui rendit son baiser dans une étreinte, les yeux fermés, s’abandonnant…

Et, pour le bon motif, chastes comme deux épousés en la nuit des noces, ils fautèrent, couchés parmi les odorantes fougères, sous un berceau de noisetiers et de troënes blancs, aux rayons clairs du bon soleil, ayant pour épithalame le susurrement cristallin du ruisseau, la joyeuse chanson des piverts, des loriots et des mésanges.


FIFONE



E
E
LLE s’appelle Alphonsine ; mais un soir, tandis que dans une heure de délirante ivresse, où il s’amusait à faire subir à son nom les mille capricieuses transformations de la gamme inouïe et tendre des diminutifs, un de ses amoureux l’appelait Fifone, elle trouva que ce nouveau nom coquet, pimpant, mutin, lui seyait à ravir et voulut le garder.

Brune, avec de luxuriants cheveux aux frisons rebelles qui viennent rejoindre, en voilant son front, l’arc impérieux des sourcils sous lesquels brillent, d’une flamme ardente et claire, ses yeux de manola ; les lèvres si rouges que tout fard rendrait pâles, toujours entr’ouvertes dans un adorable sourire qui laisse voir comme autant de perles blanches ses dents d’un ivoire parfait, et lui dessine aux joues deux mignonnes fossettes, Fifone est la coqueluche des amateurs d’opérettes. Le théâtre des Folies-Galantes allait être fermé pour cause de faillite ; mais depuis qu’elle y joue, le public s’y porte en foule, tant elle a une inimitable manière de chanter les rouleaux grivois en les soulignant avec son gracieux accent tourangeau d’encore plus de sous-entendus piquants que Judie elle-même : aussi, le directeur, qui se voit obligé de refuser du monde tous les soirs, ne la céderait pas pour un empire.

Cette après-midi, en sortant de la répétition, elle est rentrée chez elle, accompagnée de sa petite amie Olivette, qui achève sa dernière année de Conservatoire et à qui elle a promis de la faire engager aux Folies-Galantes. Tentée par le beau temps,