Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA « VIERGE DE MISÉRICORDE » DE CHANTILLY 11 C coté contemporain, résultant de l’introduction d’une effigie de dona¬ teur, disparait piiesque, tant cette effigie de donateur est réduite à de minimes proportions. A Chantilly, au contraire, les portraits de Jean Cadard et de Jeanne des Moulins, sont mis très en valeur aux deux côtés de la Vierge de Miséricorde, et méritent de frapper les connaisseurs par leurs grandes qualités d’exécution. Je terminerai par quelques indications sur les deux personnages ainsi représentés dans le tableau du Musée Condé. Jean Cadard est bien oublié aujourd’hui. Ce fut cependant, en son temps, un homme qui marqua. Originaire de Picardie, il vint se faire un nom à Paris comme médecin. Reçu licencié en méde¬ cine le 29 mars 1412, il professa à la Faculté de Paris de 1412 à 1415. Il était aussi maître ès arts, et pourvu d’un canonicat à Saint- Martin de Tours, ce qui ne l’empêcha de se marier avant 1425 avec Jeanne des Moulins. Sa science lui valut d’être attaché comme méde¬ cin en titre aux enfants du roi Charles VI, le dauphin Jean et son frère cadet Charles. Ce dernier, confié dès son plus jeune âge aux soins de Jean Cadard, devint le roi Charles VII. En récompense de ses services, Cadard fut nommé conseiller et premier médecin ou « physicien » du roi, et reçut des dons importants. On prétend qu’il est aujourd’hui des médecins habiles, voire des professeurs à la Faculté, qui ne se contentent pas de soigner l’hu¬ manité, mais qui rêvent aussi de la diriger et qui aspirent à jouer un rôle politique. Ce fut déjà l’histoire de Jean Cadard. Investi de la confiance du roi, il se mêla aux intrigues de la fin du règne de Charles VI et du début du règne de Charles VIL On l’accusa d’avoir pris une part importante à l’assassinat du duc de Bourgogne Jean sans Peur au pont de Montereau. Ce qui est certain, c’est qu’il était un des membres iniluents du parti qui fut au pouvoir en 1424 et 1425, avec Tanneguy du Chastel, lé président Louvet et Pierre Frotier. Puis, le vent tourna, « le ministère fut renversé », comme nous dirions aujourd’hui. La réaction fut si violente que le roi dut sacrifier son premier médecin. Jean Cadard quitta la Cour et alla s’établir en Provence, où il devait passer le reste de sa vie. 11 lui restait toujours, disait la malignité publique, quelque vingt-cinq ou trente mille écus qu’il emportait avec lui. Il lui resta aussi, malgré son éloignement, rattachement du roi, qui lui maintint son^titre de conseiller et continua à lui servir une forte pension jusqu’à sa mort. L’ancien médecin de Charles VÜ; qui s’intitulait, vers la fin de son existence, chevalier et baron du Thor au Comtat Venaissin, dut