Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/156

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138 GAZETTE DES BEAUX-ARTS qu’à moitié pénétrer par leurs nouveaux maîtres. La Flore attribuée à Primatice (coll. d’Albenas) n’a conservé dans son type d’élégance souriante, dans la grâce trop effilée de ses nudités discrètes, qu’un souvenir très adouci et très réchauffé, dans le coloris, du manié¬ risme bolonais. Dans Diane et Actêon, du musée de Rouen, der¬ rière les nudités, nymphes, satyres, bergers, d’une facture grasse et savoureuse, plus vénitienne que florentine, un paysage boisé, d’une vérité puissante, et un cavalier, un pourpoint rayé, d’une su¬ perbe allure, témoignent qu’à Fontainebleau on savait encore re¬ garder la nature, comprendre la vie, et la représenter avec franchise. D’autre part, dans la répétition du célèbre tableau de la Dame au bain se faisant servir une collation (coll. Frederick Cook),oii les uns veulent voir Diane de Poitiers et les autres Gabrielle d’Estrées, attribuée aux Clouct, à Quesnel et à d’autres, rexécution grasse et colorée, à la manière de Pieter Àertzen, de la nourrice, des enfants, des fonds, des accessoires, indique chez quelques artistes une persistance heureuse dans l’observation réaliste. On en trouverait, je crois, dans nos provinces de Loire bien d’autres exemples. Une preuve charmante de cette persistance nous est d’ailleurs offerte par la Danse de paysans autour d’un arbre (coll. Thévenin) ; c’est une pièce vraiment caractéristique, une illustration, vive et contempo¬ raine, des églogues de Ronsard et de Remy Belleau. Le paysage, d’une sincérité remarquable, en retournant à Fouquet, y présage le paysage moderne. Serait-ce une pièce unique? On ne saurait le croire. De ce côté il! reste donc beaucoup à chercher et, nous l’espé¬ rons, à trouver. Nous voulons sauver, désormais, tout ce qui nous reste de notre glorieux patrimoine trop longtemps dédaigné. Toutes les œuvres de nos ancêtres nous sont chères, dès qu’elles nous apportent une expression sincère de leur sensibilité et de leur pensée. En attendant, nous serions bien difficiles si nous ne nous décla¬ rions pas satisfaits des résultats obtenus, résultats qui ont dépasse toutes les prévisions et toutes les espérances, même les plus opti¬ mistes. Durant trois mois, l’Exposition des Primitifs français n’a cessé d’être fréquentée par des visiteurs attentifs et studieux, de toute profession, de toute classe, de tout pays. Leur nombre, géné¬ ralement, a été de 1200 à 1500 par jour. On peut donc évaluer à une centaine de mille le chiffre des amateurs qui sont venus, à plusieurs reprises, se fortifier dans la conviction que nos vieux peintres méri¬ taient, comme leuts contemporains du Nord et du Midi, aux xivc et xvc siècles, une étude attentive, et parfois une profonde admiration.