Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/159

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DEUX ÉMAUX DE JEAN FOUQUET 141 Nardo et Lollus, travaillant « en même temps » à Castelli en 1484, ce qui est d’ailleurs inexact, car M. Cherubinine dit rien de pareil *. D’autre, part il existe au musée de San Martino de Naples et dans la collection de M. Rey, à Naples également, deux plats représentant Le Jugement de Pdrts\ celui du musée, qui est rehaussé d’or, est signé « Antonius Lollus a Castellis inventor », et celui de M. Rey, qui n’est point doré, est signé « A. Lollus a Castelli fecit ». En ajoutant le mot inventor sur le premier plat, Lollus aurait voulu marquer qu’il avait décou¬ vert la dorure sur faïence; cette invention daterait ainsi de 1484, et non de 1567, comme on le croyait2. Il y a là, malheureusement, une étrange confusion. Le plat de la collection Rey, que M. de Mély a reproduit dans son livre, ne saurait dater du xv° siècle ; le style clas¬ sique et les attitudes contournées des figures, leur disposition en perspective dans un grand paysage, la forme et le décor du marli, le caractère paléographique de la signature, tout concourt à prouver qu'il s’ agit d’une pièce de l’époque où la production de Castelli a commencé à se développer, c’est-à-dire du xvu® siècle. La consta- f tation de cette erreur a été faite dès 1888 par M. Emile Molinier, qui a prouvé que ce Lollus vivait à la fin du xvre et au début du xviic siècle3. Tel est également l’avis de M. Otto von Falke, dont l’opinion fait autorité en matière de céramique italienne : dans son excellent livre sur les majoliques 4 il consacre un paragraphe à Lollus, mentionne le plat signé de Naples, d’autres plats du Musée de Berlin, et conclut, d’après le style de leur décor et le costume de leurs personnages, que ce Lollus travaillait « dans la première moi¬ tié du xvuc siècle ». Le mot inventor prouverait donc tout au plus que Lollus aurait introduit à Castelli l’usage de la dorure, pratiquée à Pesaro depuis 1567. La dorure sur faïence n’a donc pas été inven¬ tée à Castelli en 1484, ni par Nardo ni par Lollus; aussi cette pseudo¬ découverte a-t-elle été laissée de côté par les auteurs de tous les tra- 1. M. Cherubini énumère, dans une liste placée à la fin de son travail, divers artistes de Castelli, autres que les Grue qu’il étudie spécialement. Or, dans cette liste on trouve d’une part Nardo di Castelli, mentionné d’après un acte no¬ tarié de 148i, et plus loin Antonio Lolli, mentionné comme travaillant au xvie siècle. Entre ces deux artistes (qui ont vécu à plus d’un siècle de distance, comme on le verra plus loin), M. Cherubini ne fait aucun rapprochement. Cf. Gabriello Cherubini, Del Grue c delta pittura ceramica în Castelli. Naples, 1803, in-8°, p. 19 et 20. 2. C. Drury E. Fortnum, Maioüca. Oxford, 1896,\tin-4°, p. iii; il\tdonne\tla date de 1562. — M. Otto von Falke (Maiolika, p.\t160) dit\t: 1567. 3. E. Molinier, La Céramique italienne au\tXVe siècle. Paris, 1888, in-12,\tp.\t80-83. 4. Otto von Falke, Maiolika. Berlin, 1896, in-8°, p. 167.