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12 GAZETTE DES BEAUX-ARTS laisser un grand souvenir en Provence, car, à ia suite d’un mariage avec une de ses descendantes, une des plus anciennes familles du pays, celle des d’Ancezune, d’où sont sortis les ducs de Caderousse, releva son nom et se fit appeler désormais Cadard d’Ancezune. Quant à Jeanne des Moulins, que nous voyons dans le tableau de Chantilly en face de Jean Cadard, c’est une physionomie qui se rattache à l’histoire de l’art français. Il y eut en France, au moyen âge, une catégorie d’artistes parti¬ culièrement prisés et qui arrivaient parfois à une réputation égale, ou peu s’en faut, à celle des peintres ou des sculpteurs; c’étaient les brodeurs. La merveilleuse croix de chasuble, prêtée à l’exposition des Primitifs français par M. Martin Le Roy, montre à quelle perfec¬ tion les brodeurs pouvaient atteindre et explique la faveur dont ils jouissaient. Sous le règne de Charles VI, un des maîtres les plus réputés dans l’art de la broderie, à la Cour de France, fut Jean de Clarcy, brodeur de la reine Isabeau de Bavière et du duc Louis d’Orléans. Or, des documents curieux, qu’a bien voulu me signaler, avec sa science inépuisable, M. A. de Boislisle, établissent que Jeanne des Moulins, avant d’épouser Jean Cadard, avait d’abord été, en premières noces, la femme de ce fameux brodeur Jean de Clarcy. Il est inutile d’insister plus longtemps sur l’importance qui va s’attacher désormais à la Vierge de Miséricorde du Musée Condé. Le ch⬠teau de Chantilly, avec tous les trésors qu’il renferme, avec ses incom¬ parables Très riches Heures du duc de Berry, avec ses fragments du r livre d'Heures de maître Etienne Chevalier, avec ses séries de dessins et de peintures du xvic siècle, était depuis longtemps un lieu privi¬ légié pour l’étude de notre vieil art français, si heureusement remis en honneur aujourd’hui. La possession d’une œuvre de provenance aussi certaine, de date aussi rigoureuse, d’attribution aussi bien éta¬ blie que la Vierge de Miséricorde d’Enguerrand Charonton et Pierre Villate sera un fleuron de plus pour les merveilleuses collections léguées à la France par M. le duc d’Aumale. 1‘ a u l D u II r i e u £3