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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/210

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182 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Comparons maintenant ces données avec celles de la baie de Reims : c’est Je même arc avec une courbe sensiblement de même rayon; c’est la même archivolte, la même voussure profonde et pro¬ jetée à angle droit, ce sont les mêmes proportions relatives des par¬ ties1. Seulement, à Reims les piliers doubles sont devenus des pilastres engagés et sculptés et le soubassement avec son gisant ont disparu. À la suite de quels événements? C'est ce que nous essaierons de con¬ jecturer tout à l’heure. Mais notons dès maintenant que toutes ces particularités insolites dans un portail roman : la voussure profonde, mais à arête vive et non décorée, l’extrême brièveté des supports s’arrêtant court au-dessus du linteau de la porte-, s’expliquent com¬ plètement dans l’hypothèse de l’utilisation d’un décor de tombeau. Puis étudions attentivement les caractères iconographiques de la baie de Reims : une série d’anges porteurs de cierges, de croix et de phylactères décorent l’archivolte; jusque-là, quoique les mêmes ligures existent au tombeau de Rouen, rien qui ne puisse aussi bien se trouver ailleurs; mais, à la clef de l’arc, pourquoi, comme au tombeau de Rouen, deux de ces anges portent-ils dans une nappe le petit enfant en symbolisant l’àme béatifiée? Certes, je ne prétends pas que ce motif soit rare dans la sculpture romane plus que dans la sculpture gothique, mais, enfin, ou le trouvons-nous généralement et quelle signification prend-il suivant la place qu’il occupe? On le rencontre d’une façon régulière dans les voussures, au-dessus des représentations du Jugement dernier; on le voit, aussi, constamment figuré dans les scènes de la mort de la Yierge ou des saints : c’est une sorte d’indication schématique de la mort. Alors, dans ce portail que nous éludions, réduit aux données qui nous restent, que pour¬ rait-il signifier? Ce n’est pas, quoi qu’en ait dit M. Gosset3,l’àme de la Vierge qui 1. Voici un aperçu des mesures comparatives des deux monuments : Hauteur (à partir d’une ligne horizontale passant par la base des pieds-droits jusqu’au sommet de l’arc) : Rouen, 2 mètres; Reims, 2m19. Profondeur de l’enfeu : Rouen, 0mG0; Reims, 0m50. Hauteur des pieds-droits : Rouen, 0m8o; Reims, 0m70. Ecartement entre les pieds-droits (déterminant la place du gisant) : Rouen, lm8D; Reims, lm97. 2. 11 ne sera pas inutile de rappeler ici que la forme normale d’un portait roman à la fin du xiie siècle, c’est un arc en plein cintre, — à voussure plus ou moins pro¬ fonde, mais, lorsqu’elle est profonde, généralement composée de cordons cylin¬ driques en retrait les uns sur les autres et décorés de figures ou de dessins d’or¬ nement — retombant sur des piliers monocylindriques ou sur des groupes de colonnes formant ébrasement à la porte. 3. Gosset, La Cathédrale de Reims (loc. cit.).