Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/212

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184\tGAZETTE\tDES BEAUX-ARTS martyrs, vieillards de l'Apocalypse; et celte apothéose de l’àme humaine béatifiée a là sa raison d’être et son explicalion \ Or, dans le tombeau français du xie au xve siècle, ce motif, tel que nous le voyons à Reims, occupe cette même place, prend celte même importance; gravé, sculpté ou peint, on trouve toujours le moyen de le placer 2, et il est si bien individualisé, il désigne si bien l’àme du mort, qu'il arrive, au-dessus du tombeau d’un évêque, que cette petite figure nue soit coiffée de la mitre! À Reims, chose assez rare, le corps est entier et debout et les pieds passent sous la nappe que tiennent les anges; une couronne plane au-dessus de sa tête. Mais ce n’est pas tout: sur la face latérale des pilastres de Reims, à quoi sont occupés ces évêques et ces clercs? L’un lit dans un livre que lui présente un acolyte, l’autre s’apprête à donner l’aspersion de l’eau. Or, ces deux actes, ne sont-ce pas les deux moments princi¬ paux de la cérémonie des funérailles? IN’est-ce pas la mise en scène même de l’absoute? Sans doute il est d’autres cérémonies liturgiques où peuvent figurer les mêmes personnages : évêques, clercs, et les mêmes accessoires : livre, seau d’eau bénile; mais je ne connais pas de Vierge sculptée ou peinte au moyen âge autour de laquelle des évêques et des prêtres, au lieu de se tenir dévotement à genoux comme à Notre-Dame de Paris ou de défiler dans un cortège processionnel comme sur le tombeau de Saint-Etienne d’Obazine1, accomplissent des cérémonies aussi précises et, si je puis dire, aussi terrestres. 1. II en est de même, je crois, pour l’exemple cité par le chanoine Porée à l’abbaye d’Ivry près Évreux : là aussi un seul ange porte deux petites âmes. J'in¬ diquerai ici brièvement les principaux exemples de voussures que j’ai pu con¬ sulter, soit sur place, soit dans la collection des Monuments hisLoriques, et qui m’ont donné un résultat négatif quant à la présence d’un ange psychophore dans un cordon, décoré ou non de figures d’anges : Aulnay, Argenton, Parthenay, Châteauneuf, Le Douchet, Fenioux, Saintes, Étampes, Mantes, Chartres (les trois portails), Bourges (portails gothiques et portails romans), Paris (sauf l’exemple cité), Le Mans, Saint-Sulpice de Favières, Longpont, Sens, Auxerre, Rouen, Reims (il y a un ange psychophore à la voussure de l’arc entourant la rose nord mais il est au-dessus de la Mort d’Abel), etc. A Amiens il n’y a d’anges psychophores qu’au-dessus du Jugement dernier. Il en est de même à Laon. 2. Nous tenons les deux bouts de la chaîne des traditions avec deux tombeaux existant heureusement encore et photographiés dans la collection des Monu¬ ments historiques. L’un, du xie siècle au moins, semble-t-il, d’une farouche rudesse, est le tombeau de sainte Pharaïlde, à Bruay (Nord); la sainte y est figurée cou¬ chée dans une sorte d’auge en pierre et l’on a placé au-dessus de sa lête fange psychophore. L’autre monument, de l’extrême fin du xve, est à Ambronay (Ain). Dans Je gâble de Pédicule au-dessus du mort figure encore ce motif, sculpté, pour la dernière fois peut-être, sur un tombeau français. 3. Moulé au Trocadéro.