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LE PORTAIL ROMAN DE LA CATHÉDRALE DE REIMS 189 Mais des trois éléments du tombeau au moyen âge il en est un qui manque ici, et c’est le plus significatif et le plus important, celui dont l’existence nous dispenserait de tant d’arguments, celui qui, à lui seul, constitue parfois tout l’ornement de la sépulture : je veux dire l’effigie du mort. 11 est vrai qu’elle aussi a fait défaut quel¬ quefois dans des tombeaux même luxueux1; mais la présence des officiants de la cérémonie des funérailles rend ici l’idée d’une telle disposition invraisemblable. Cependant, avant de chercher à expliquer l’absence du gisant, je voudrais répondre à une objection préjudicielle que je sens dans l’esprit du lecteur comme elle est dans le mien. Comment admettre, en effet, que le moyen âge, si respectueux de ses morts, ait permis cette sorte de désaffectation d’un monument funéraire qui aurait revêtu à l’égard de l’occupant du tombeau le caractère d’une véri¬ table spoliation? Je crois qu’il peut y avoir dans l’histoire de Reims el de sa cathé¬ drale une réponse topique à cette objection; mais voyons d’abord en général comment s’est comporté le moyen âge à l’égard des tom¬ beaux. Si nous considérons l’ensemble des faits, il parait bien que des remaniements et des bouleversements fréquents se soient pro¬ duits. C’est tantôt un mort, saint personnage, grand de la terre, évêque ou roi, qui repose sous un tombeau manifestement posté¬ rieur de deux ou trois siècles à la date de son inhumation2; c’est tantôt au contraire une sépulture qui s’est rouverte après une longue période de temps pour recevoir un second occupant; c’est tantôt une abbaye : Jumièges, Chaalis, ou Saint-Denis, qui, lors d’une reconstruction ou dans une période de prospérité singulière, a fait refaire sur un même modèle tous ses tombeaux comme saint Louis le fit faire dans cette même abbaye de Saint-Denis pour les rois ses prédécesseurs. Il est difficile de croire qu’aucun des per¬ sonnages dont on remplaçait ainsi'les monuments n’ait joui aupa-- le gisant, voir, dans les monuments existant encore, un tombeau à Limoges (pho- tograpliie dans la collection des Monuments historiques) et un à Saint-Père-sous- Vézeluy reproduit par Viollet-le-Duc, Dictionnaire d'architecture, t. IX. 1. Tombeaux d’Ourscamps dans Viollet-le-Duc, Dict. d'architecture, au mot: Tom¬ beau; il est vrai qu’il n’y a pas de gisant, mais les morts sont peints debout au fond de l’enfeu. (Voir Gaignières, Pe 3.) 2. Tombeau déjà cité de l’archevêque Robert; tombeau de Pierre Comestor (f 1179) à l’abbaye de Saint-Victor (Gaignières, Pe 11 a) : il éLait du xuPsiècle. Il en était de même à FontevrauLt du tombeau de Pierre de CluUellerault,évêque de Poitiers (fll3a) (Viollet-le-Duc, Dictionnaire d'architecture).