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202 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Matteo di Giovanni. Nous ne pouvons non plus recommander le goût qui arracha le glorieux Massacre des Innocents de Matteo de son cadre presque parfait et de la place, à si juste hauteur, sur les murs blancs de la chapelle de San Agosiino (église parfaitement acces¬ sible), pour raccrocher sans cadre et beaucoup trop bas dans une petite salle remplie de vitrines contenant des dessins. Il perd, dans un aussi défavorable milieu, au moins les neuf dixièmes de sa valeur. Mais trêve aux plaintes! Voyons, avant d’examiner des points de détail qui nous intéresseront particulièrement, ce qui peut en réalité réjouir l’amateur. Celui-ci trouvera surtout sa récompense parmi les sculptures et les peintures, car bien que dans la masse des « objets d’église » s’offrent quelques œuvres de grande valeur artistique, la plupart d’entre eux, si le souvenir du Petit Palais est encore vivant, paraîtront crus et lourds, dépassant rarement le niveau de la simple curiosité pour s’élever jusqu’à la région pure de l’art; et, de même, les étoffes, les porcelaines, les majoliques, la bijouterie, le mobilier (je fais exception pour les armures) et même les livres de miniatures présentent très peu de haute valeur. Encore une fois, c’est parmi les sculptures et les peintures sur¬ tout qu’on trouve de quoi satisfaire le pèlerin en quête de beauté ,et de qualité seules, sans souci des dates, de l’histoire et des loca¬ lités. De tels voyageurs sont rares, j’en conviens, mais ils existent, les vrais dilettanti, cette race qu’on ne doit pas montrer au doigt mais encourager, car elle forme de vrai public digne de l’artiste, celui qui considère l’art, non pas comme une profession ou une affaire, mais comme un plaisir. Au dilettante donc, que peut offrir l’exposition de Sienne en fait de beauté rare et de parfum caractéristique? Peut-être la ffeur la plus exquise de cette touchante école mystique, amoureuse de la beauté, est la tête de la Vierge de /’Annonciation en marbre à patine d’ivoire par Neroccio dei Landide Sienne, l’artiste du quattrocento le plus tendre, le plus volontairement mystique qui soit. Ce busle est placé dans la salle d'entrée sur un socle, un peu trop bas pour qu’on puisse en jouir, contre un fond de damas rouge. 11 provient de la fameuse collection Palmieri-Nuti, et est attribué dans le catalogue à Mino da Fiesole, probablement sur l’autorité de M. Bode qui l’a reproduit comme un Mino dans sa grande publication sur la scul¬ pture toscane, éditée à Munich, chez Bruckmann. D’après cette auto¬ rité il serait maintenant au Louvre, mais une comparaison rapide