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20 GAZETTE DES BEAUX-ARTS tour, dans les dernières années du xvrii0 siècle, à Fart de l’Europe1. La croix en marbre qui, suivantM. Evans, occupait le fond du petit sanctuaire, prête à de longs développements où je me garderai d’en¬ trer. On connaissait déjà nombre d’exemples de signes cruciformes — croix équilatérale, croix gammée, croix pattée, croix ansée, croix de Saint-André — qui, longtemps avant le christianisme, ont été em¬ ployés avec une valeur symbolique ou religieuse; ainsi, sur un bas- relief assyrien, un roi porte au cou une croix associée à quelques autres amulettes2. Ce qui est nouveau, c’est la croix servant d’objet de culte et occupant la place d’honneur dans un sanctuaire. Remar¬ quons, d’ailleurs, qu’elle n’y est pas isolée et que plusieurs petits objets trouves dans le voisinage portent des croix en relièf ou incisées. Il y avait, dans la religion crétoise, d’autres symboles religieux ou fétiches, dont M. Evans a recueilli des exemples nombreux et concluants : le pilier, la double hache, la corne, le trident. A l’époque où la religion passa du fétichisme et du culte des animaux à l’an- Ihropomorphisme, les fétiches, comme les animaux, ne disparurent pas, car ils étaient sacrés et avaient une place dans les rituels; mais on fit effort pouf les associer à des hommes et l’on créa des légendes pour justifier cette association. Ainsi la massue, jadis adorée en tant que massue, est devenue et restée l’arme d’Tlercule; la double hache était'encore, à la fin du paganisme, l’arme du Zeus Syrien; le pilier, placé comme une idole entre deux lionnes à la porte de Mycènes, se transforma plus tard en une statue terminée par une gaine; la-corne, qui figurait sur l’autel du temple de Salomon sous le nom de Corne de Consécration, devint l’attribut de plusieurs dieux, entre autres de Bacchus; le trident, objet d’un culte primitif comme la massue, devint le sceptre de Poscidon-Neptune. Rien ne se perd, tout se transforme : c’est la loi de l’évolution religieuse, comme celle de toutes les évolutions. Si, à la lumière des exemples qui précèdent, nous considérons la croix de Cnosse et tâchons d’en deviner a priori les destinées ulté¬ rieures, nous reconnaîtrons qu’il est bien difficile, sinon impossible, de l’associer à une figure humaine en qualité d’arme; le jour où le culte de la croix deviendra anthropomorphique, il faudra qu’elle porte un homme ou qu’elle soit portée par lui. N’est-il pas singulier — c’est peut-être une simple rencontre — que l’une et l’autre de ces solutions, exigées par la simple logique, soient appuyées, dans l’ico- 1. lievue archéologique, 1901, I, p. 37 et suiv. 2. M&p Vigouroux, Dictionnaire de laBible, art. Croix, p. 1127, fig. 410.