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218 GAZETTE DES BEAUX-ARTS de l’image fameuse du pacha Saïd Effcndi se trouvait tout indiqué, à défaut de Liotard et en attendant le chevalier de Favray, pour ce genre de figuration. Dès l’apparition de cette toile officielle,en 1742, une dame de Sainte-Maur avait chargé l’artiste de la représenter « en sultane, dans le jardin du sérail ». De curieuses pages de M. F. Boppe sur La Mode des portraits tares aitxvrn* siècle1 signalent celui d’une nièce du «comte-pacha » de Bonneval, Marie-Louise Bide de la Granville, marquise de Bonnac, en uncostume levantin qui sans doute lui avait été envoyé de Constantinople par son oncle. Le même article donne la reproduction photographique d’une image d’homme, de profil, en habit de « capidgikiahyassi », autrement dit de chef des huissiers du sérail, où l’auteur a reconnu les traits d’un certain Charles Richer de Roddes de La Morlière qui fut peint par La Tour, de face dans un identique accoutrement (gravure de Lépicié); cette pièce, qui est une des plus caractéristiques du peintre, fait penser, par ses scintillements de pierreries et ses chatoiements d’étoffes dans la chaude pénombre, aux défroques dont Rembrandt aimait à affubler ses personnages. La fantaisie d’Aved semblait d’ailleurs se complaire à traiter de tels sujets; à défaut d’autres modèles, il faisait poser sa famille ; c'est ainsi que M. Boppe nous apprend qu’outre ses deux fils, le peintre avait — ce que nous ignorions en commençant cette étude — une fille, devenue comtesse de Magnac 2, qu’il s’était amusé à représenter assise, les jambes croisées, sur un divan. Le tableau se trouve encore la propriété des descendants. Mais Aved, plus généralement, empruntait à la vie intime des femmes la mise en scène de leurs portraits. C’était même là sa prin¬ cipale particularité. Les livrets de Salons ne font en effet mention Yi son sujet que de dames adonnées à des soins familiers : Mme Arlon filant de la soie, MmeDuplex de Bacquanconrt à sa toilette3, Mme Crozat à sa tapisserie, Mme Brionprenant du thé, Mmcde Varenne en liseuse... 1. Revue de Vart ancien et moderne, 1902, t. U, p. 211 et s. 2. Notons à ce propos un portrait par Aved au Salon de 1739, de « M. le comte de Magnac, lieutenant général des armées du roi, tenant le portrait de son père ». 3. « Il l’a représentée devant une toileLte richement dressée, dans un désha¬ billé le plus galant du monde ; elle est en jupon de satin citron et en peignoir sur un corset de bazin lacé de rubans bleus; de la main droite, elle soutient sa tête, et de son coude elle ferme un livre qui est sur sa table de toilette; l’autre main gracieusement posée sur le bras de son fauteuil, elle semble occupée de ce qu’elle vient de lire. On n’est jamais rassasié de contempler ces traits aimables et si bien assortis, dont la douceur retient comme malgré soi. » {Lettre à M>nc la Marquise de S. P. S., par le chevalier de Neufville de Brunaubois de Montador.)