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226 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Le nombre de ceux qui moururent à Rome fut si grand, que l'on mettait le plus souvent les pères et les mères avec leurs enfants, et les frères et les sœurs deux à deux dans une seule bière. Cette con¬ tagion déserta aussi tellement la ville de Pavie, que les habitants s’en estant fuys au désert et aux montagnes, les herbes et les fruicts creurent par les places et marchés de leur ville. Et fut veu alors, visiblement par aucuns, le bon et le mauvais ange aller de nuict par la ville, et le bon commander au mauvais de frapper les portes des maisons avec un dard qu'il semblait tenir en sa main —venabulum manu ferre— et autant de coups il frappait avec son dard,le lendemain se trouvait autant de morts dans la maison. Mais enfin, quelqu’un ayant eu révélation que cette pestilence ne cesserait point qu’on n’eust dressé un autel de Sainct-Sébastien en l’église de Sainct- Pierre aux liens de Rome, les reliques du Sainct y ayant été peu après apportées, et un autel dressé en son hommage, la pestilence cessa. » La peste éclata donc en même temps dans plusieurs villes d’Italie, mais Rome était le théâtre principal de ses dévastations, et les populations résignées s’inclinaient devant cette terrible mani¬ festation de la colère divine, lorsque apparut, dit la légende, aux yeux de plusieurs personnes, la vision des deux anges. On se mit de toutes parts en prière, et un personnage, dont cette légende ne rapporte pas le nom, crut pouvoir indiquer le remède qu’il fallait apporter à ces maux. Une révélation surnaturelle lui avait fait entendre, disait-il, que la peste cesserait lorsque l’on aurait élevé un autel à saint Sébastien dans l’église de Saint-Pjerre-aux-Liens. Aussitôt, le pape Agathon alla chercher en grande pompe les reliques du saint mar¬ tyr, pieusement recueillies et déposées au cimetière de Saint- Gallixte, en dehors de Rome, les rapporta dans l’église indiquée, et fit élever l’autel sous lequel elles furent dès lors enfermées. Sébastien, soldat chrétien de la garde de l’empereur Dioctétien, avait été condamné à mort pendant la persécution de 288. Percé de flèches, il survécut à ses blessures et osa se représenter devant l’em¬ pereur; de nouveau condamné, il fut frappé de coups de bâton et succomba. Cette persévérance à confesser sa foi et à affronter le martyre fit considérer Sébastien, par la primitive Église, comme la victime volontaire s’offrant en holocauste pour détourner les coups de la justice divine. Ce saint devint le protecteur efficace auquel il fallait s'adresser dans les cas de détresse nationale, de peste ou de maladie. C’est à ce sentiment qu’obéissaient encore les peintres