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228 GAZETTE DES BEAUX-ARTS un pan de sa chlamyde, n'a aucun des caractères qui puissent le faire reconnaître pour le jeune soldat de la garde de Dioclétien. L'autel et le tableau furent donc placés dans la basilique de Saint- Pierre-aux-Liens, à gauche, contre un pilier voisin de la porte d'en¬ trée ; et la peste disparut, laissant de funèbres traces de son passage, mais permettant aux pauvres Romains de vivre et de respirer librement. La protection de saint Sébastien, tout efficace qu'elle eût été en 680, ne fut probablement pas implorée dans la suite avec autant de ferveur, car les retours fréquents du fléau, signalés par les chro¬ niqueurs, ne comportent aucune intervention miraculeuse analogue à celle que nous venons de rappeler. Et cependant les occasions ont été nombreuses, car Rome saccagée ou désertée, mais toujours envahie par les détritus et les immondices, était un foyer d'infection où le mal devait aisément naître et atteindre son paroxysme. Malgré les grands travaux d'assainissement exécutés au xvG siècle par Sixte IV, Alexandre VI et Jules II, la peste s'abattait encore une dernière fois sur Rome à la suite du sac de la ville par l'armée du connétable de Bourbon, en lo27. Peu d’années auparavant, l’autel de saint Sébastien avait été déplacé pour prendre rang dans la série des chapelles latérales de l'église. Il faut rapporter la cause de ce déplacement aux grands travaux ordonnés par le pape Sixte IV, en 1480. Son architecte, Baccio Pintelli, reconstruisit alors la voûte de la grande nef et toute la façade de l’église. L’emplacement autrefois occupé par l'autel de saint Sébastien était donc devenu libre, lorsque, quelques années plus tard, les frères Pollaiuoli, retenus et vivant à Rome, eurent la pensée de se faire ensevelir dans l’église de Saint-Pierre-aux-Liens. Ceci ressort clairement des termes du testament d’Antonio del Pol- laiuolo, le dernier survivant des deux frères, testament daté du 5 no¬ vembre 1496, et retrouvé dans les archives du couvent de Saint- Pierre-aux-Liens : Antonio ordonne que son corps soit déposé dans cette église. Pour être aussi affirmatif, il fallait que Pollaiuolo se fût assuré préalablement du consentement des moines préposés au service de la basilique; or, les chanoines réguliers de Saint- Augustin, auxquels Sixte IV avait déféré ce soin, crurent trouver, semble-t-il, une excellente occasion de faire payer leur consentement en imposant à l'artiste l'obligation d'exécuter, à l'endroit qu’avait occupé l'autel de saint Sébastien, une peinture rappelant la peste de 680 et l’origine de cet autel.