Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DEUX REPRÉSENTATIONS DE LA PESTE DE ROME 233 II Franchissons maintenant un espace de trois cent cinquante ans, et nous allons retrouver dans la peinture moderne la traduction des mêmes épisodes. Le peintre français Élie Dclaunay exposait, en r 1869, au Salon des Champs-Elysées, à Paris, un tableau qu’il inti¬ tulait : La Peste à Rome. Delaunay, ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome, avait-il lu la légende racontée par Paul Diacre? Cela n’est pas impos¬ sible. Avait-il vu la fresque de Saint-Pierre-aux-Licns? Cela est probable. Et, l’ayant Ame, ce tableau lui a-t-il suggéré la pensée de traduire à son tour cette légende et d’en faire une nouvelle étude? Cela est certain, puisque pendant son séjour à Rome, étant encore pensionnaire de la Villa Médicis, Delaunay envoyait à Paris une admirable esquisse inspirée par le même sujet. Né à Nantes, appartenant à une famille dans laquelle les senti¬ ments religieux étaient fortement enracinés, Delaunay avait con¬ servé intactes les croyances de ses parents. Aussi, bien que forte¬ ment impressionné pendant son séjour en Italie par le génie de l’antiquité, il sut allier dans ses œuvres l’expression de ce double idéal : la noblesse des sentiments religieux et le charme qui se dégage d’une recherche attentive de la suprême beauté. Ces qualités, développées par un constant labeur, une sévérité pour soi-même qui lui faisait quelquefois recommencer une œuvre presque achevée, ont permis à Delaunay de produire des toiles remarquables, dans lesquelles, au choix du sujet, où domine toujours une pensée élevée, il a su joindre la pureté des formes, l’éclat et la délicatesse du coloris. Aussi, lorsque Delaunay reprenait à Paris l’esquisse faite à Rome, et peignait son tableau de La Peste, était-il armé de toutes pièces pour créer une œuvre hors pair. Il n’y manque pas. Accueilli dès son apparition par l’admiration générale, le tableau a subi depuis une épreuve à laquelle peuvent résister seules les œuvres d’art du plus haut mérite. Exposée depuis quarante ans aux regards du public au musée du Luxembourg, c’est toujours avec la même admiration émue que l’on s’arrête devant cette toile magis¬ trale, et c’est avec le même sympathique respect que l’on prononce le nom de son auteur. C’est un drame terrible que Delaunay représente à nos yeux. La scène se passe au centre de Rome; dans le voisinage du Capi- XXXII. — 3° PÉRIODE.\t30