Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/272

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UN BOUQUET EN PORCELAINE DE VINCENNES 239 pourpiers, armoises, semblables à celles qui s’entrelacent aux anses gracieuses de bronze doré du vase. Deux groupes de figures en por¬ celaine blanche, comprenant chacun une figure de femme accom¬ pagnée d’un enfant nu avec divers instruments et ouvrages de musi¬ que, personnifiant probablement la Musique sérieuse et la Musique frivole, complètent l’architecture du vase. Tout cela repose sur un socle somptueux en cuivre doré, large et fortement cintré, auquel conduit, comme à une terrasse, un escalier muni d’une rampe. Là, également se voient des fleurs et des instruments de musique. La musique et les fleurs semblent, en général, le motif principal et fon¬ damental de toute l’œuvre. L’une et les autres ne s’accordent-elles pas, d’ailleurs, parfaitement? L’ouvrage entier est d’une parfaite homogénéité et de la plus fine qualité. Il appartient à ces groupes de porcelaines montées où se plaisait particulièrement le goût raffiné du xvm° siècle, et peut être considéré comme un des types les plus remarquables du genre. On a l’impression que là a été tenté un travail hors ligne devant donner la mesure de tout l’art d’une époque. Au xvme siècle, le bouquet se trouvait dans le Zwinger, le superbe édifice bien connu que le roi Auguste le Fort avait fait construire aux bords de l’Elbe, pour former une nouvelle et luxueuse résidence royale. Le bouquet fut placé dans la salle de Marbre. De là, il entra à la collection royale de porcelaines, qui, à celle époque, devait se contenter des sous-sols du Palais japonais, pour l’ornementation duquel elle était primitivement destinée. Depuis, il est entré avec cette collection au Johanneum. Jusqu’ici on s'est plu généralement à reconnaître cette œuvre comme une des principales de la manufacture de Meissen. Pas une opinion discordante ne s’est manifestée, et ce n’est que dans ces der¬ nières années qu’un examen plus approfondi de l’objet a suscité quelques doutes : cette pâte et cet émail, cette exécution plastique des fleurs, et surtout l’intensité des couleurs, ont paru ne pas appar¬ tenir à Meissen. Ces couleurs ne se rencontrent avec cette pureté et cette vigueur que dans la porcelaine tendre, à laquelle, d’ailleurs, la qualité de la matière et de l’émail semblait répondre le plus. Quant au socle en cuivre doré, il n’y avait aucun doute sur son origine : il n’avait jamais passé pour un travail allemand. Une monture aussi gracieuse et aussi délicate d’exécution technique n’avait pu être exécutée en Allemagne; elle avait toujours été regardée comme de provenance française.