Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/279

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J. W. TURNER (deuxième et dernier article1) Bref, à la National Gallery, en obéissant à un premier mouve¬ ment, l’on penche à être injuste et l'on risque de ne pas appré¬ cier à leur mérite les œuvres qui marquent une vraie person¬ nalité, un affranchissement, une maîtrise et une nouveauté dans l’art. Nous ne parlons pas encore de Y Ulysse raillant Polyphème, qui est une belle peinture. Gustave Moreau l’eût aimée. Cette toile importante fut peinte en 1829 et exposée à la Royal Academy l’année même. Tur- ner, en effet, rejoint là l’idéal d’artistes comme Moreau, en France, et comme Bôcklin, en Allemagne, qui, tout imbus des richesses de ton romantiques, revenaient aux inspirations classiques. L'Ulysse raillant Polyphème est, en marine, l’équivalent du paysage histo-

rique, mais peint dans une magnificence de couleur « rubénienne » dramatisée. Polyphème, au sommet de son rocher, apparaissant dans une éclaircie du ciel, porte bien la marque de Rubens. Ce n’est pas encore la grande ■ originalité que nous découvrons dans ce tableau, mais, en voyant Turner effleurer le romantisme à travers l’éduca¬ tion classique qu’il s’est donnée, nous le voyons du même coup passer par-dessus le romantisme et se dégager malgré lui d’une édu¬ cation pour laquelle il manquait de tranquillité native. En analysant l’idéal d’un Moreau et d’un Bocklin on y reconnaît assez vite une tendance réactionnaire. Le préromantisme dé Turner semble au contraire transitoire et normal. L’instinct était si puissant chez celui-ci et dominait si bien la réflexion théorique, les principes et l’éducation, et sa mobilité d’esprit était telle, que des phénomènes psychologiques d’évolution d’art, qui, souvent, ne se produisent que par la réaction ou renchérissement d’une génération sur l’autre, d. V. Gazette des Beaux-Arts, 1904,1.1, p. 483.