Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/283

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS comporte cet ordre d’idées est surtout très remarquable dans Mer¬ cure et Argus. Dans ce genre néo-classique, il faudrait aussi citer Ehrenbreitstein, malgré les soldats que l’on voit à l’exercice devant la pyramide tombale où longtemps ont reposé les cendres de Mar¬ ceau. Mais le paysage est composé, et rie saurait-on pas qu’il manque d’exactitude que l’on s’en douterait. L’on voit à gauche la forteresse fameuse et à droite la ville de Coblentz avec le pont sur la Moselle; les premiers plans sont occupés par quelques personnages près d’une fontaine; le tombeau est dans le plan moyen. Celui-ci se dresse lumineusement blanc dans l’atmosphère d’un jour plein de clarté. Somer Hill est un exemplaire charmant d’une époque où Turner, au milieu de ses premières préoccupations de style, obéissait paral¬ lèlement à de belles impressions de nature, car il fut un temps, entre les environs de 1812 et jusqu’aux environs de 1820, où le style et l’histoire l’accaparèrent tout entier. L’œuvre que nous citons est de 1810. Somer Hill est une propriété à la campagne. Le site est délicieux : la maison s’élève au sommet d’une prairie taillée dans un parc et descendant à une pièce d’eau qui pourrait être un petit lac. C’est au déclin d’un beau jour de commencement d’automne; le ciel bleu se dégrade en jaune rosé, la verdure du feuillage prend déjà des tons dorés et quelques arbres du bord se reflètent dans les eaux tranquilles d’un gris chaud; un bateau de plaisance dort sur le lac et des canards y nagent comme endormis eux-mêmes; dans la prai¬ rie paît un bétail éparpillé et peu nombreux. Tout cela est calme, l’impressioh est naturelle, simple, exquise. Après 1820, c’est-à-dire au retour d’Italie, la recherche du style chez Turner, devenue moins exclusive que pendant les années pré¬ cédentes, se vivifie dans un retour à la nature. Mortlake (1827) est un témoignage de cette transformation. Devant une terrasse de parc, bordée d’arbres espacés, coule la Tamise décrivant une grande courbe; à droite, l’habitation. Il existe au Louvre, depuis quelques années, une vue des coteaux de M'eudôn prise du parc de Saint-" Cloud, par Louis-Gabriel Moreau (1740-1806L A quelques mètres, ce paysage, d’ailleurs excellent, ne fait guère songer aux environs de Paris. Quand on s’approche, c’est un tableau de nature et l’on serait presque disposé à croire que le peintre n’a pas déplacé pour la circonstance les deux grands beaux arbres de la terrasse de Saint- Cloud entre lesquels apparaissent les coteaux de Meudon comme dans un cadre.Mortlake fait, de loin, la même impression. Ceux qui ne connaissent point l’Italie se croiraient à Rome au bord du Tibre,