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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/295

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

■>5* Cette exposition comprend cette année 2 500 tableaux. La fatigue est extrême de chercher les quelques bonnes œuvres qui s’y trouvent. Comme, lors de la dernière exposition, deux artistes refusés se sont suicidés,le jury, craignant cette fois semblable catastrophe, a accepté par humanité beaucoup de toiles qui n’y sont guère à leur place. Kayser-Eichberg nous présente un assez joli paysage, d’un chaud coloris, qui cependant ne nous révèle rien de nouveau sous le rapport du sentiment. On peut dire à peu près la même chose des tableaux de O.-H. Engel, parmi lesquels Le Torrent semble le meilleur. Le tout est composé avec habileté, d’une technique achevée, et surtout l’effet simple et cependant raffiné des couleurs mérite d’être apprécié ; mais à l’ensemble manque l’essentiel, sans lequel toule œuvre d’art demeure stérile : la correspondance entre l'Ame et le sujet représenté. Chez l’excellent paysagiste Ludwig Bill cet accord étroit n’est également obtenu que dans une mesure restreinte. Mais cette mesure suffit pour répandre sur ses paysages aux mates colorations une poésie délicate, demi-voilée, qui, par sa dou¬ ceur, apaise délicieusement les nerfs de notre humanité moderne. Ce n’est pas là une peinture ayant la beauté grandiose de celle d’Ury, mais c’est quand même de l’art noble et supérieur. Les nouveaux tableaux de Mac Srhicbting, de Venise, ne me disent rien du tout. Il prend maintenant ses leçons chez Pissarro, et sans succès. Dans un groupement à part de peintres hongrois nous rencontrons cinq Munkacsy. Avant loul, en face du tableau Vagabonds prisonniers on comprend pourquoi Max Liebermann, alors entièrement incompris, choisit justement ce Hongrois comme maître et subit si complètement son influence dans ses Plu¬ meuses d'oies de la Galerie nationale de Berlin. Le tableau de Munkacsy n’est qu’un sujet de genre à la Defregger; mais que n’en a-t-il pas tiré! Très peu de moyens, presque insignifiants lui suffisent à caractériser les quelques personnages; un sentiment extrêmement délicat réside dans ces courtes touches. Aucun inci¬ dent accessoire qui ne se fonde avec facilité dans l’ensemble. Et le tout enveloppé dans cette couleur claire, dans ce clair-obscur particulier d’uu charme si extra¬ ordinaire. Il va sans dire que le point culminant de l'exposition est formé par les vingt- neuf tableaux de Franz von Lenbach. Dans les dernières années de la vie du maître les propos n’étaient pas toujours très bienveillants à son égard, surtout de la part de nos jeunes artistes. Il accaparait, pour ainsi dire,l’art et la lumière, exerçait à Munich une espèce de dictature artistique et se montrait extrêmement hostile à la peinture moderne telle qu’elle était représentée à la Sécession. Cela ne s’oublie pas facilement. Malgré tout, depuis sa mort, on rencontre partout un vif sentiment de regret d’avoir vu tomber une des colonnes les plus hautes de l’art allemand et disparaître pour toujours un des maîtres de l’école allemande. Len- bacli peut avoir pastiché les vieux maîtres, et être resté étranger aux idées modernes,— quiconque passe en revue ces vingt-neuf toiles ne peut se défendre d’un sentiment de vraie vénération un peu mélancolique. Voici l’admirable por¬ trait de l’humoriste Wilhelm Busch, plein de ce sentiment profond de la per¬ sonnalité que Lenbach était seul à posséder. Les voilà, toutes ces belles femmes