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278 GAZETTE DES BEAUX-ARTS dans une église, récemment entré au musée de Strasbourg montre en lui un réaliste —non insensible cependant à la grâce idéale — influencé par les Néerlandais, et ami des colorations savoureuses. Un tableau plus typique de cette école souabe, par son robuste caractère, est dû à un maître anonyme et daté de 1445 : apparte¬ nant à la galerie de Donaueschingen, il représente, sous un ciel cl’or où Dieu le Père apparaît entouré d’anges, saint Paul et saint Antoine ermites, vieillards aux physionomies austères, dans un paysage rocailleux et boisé derrière lequel on aperçoit les murailles d’une ville. C’est aussi un des plus anciens témoignages de l'influence flamande en ces contrées : les anges semblent empruntés à l’autel de Saint-Bavon, et un sentiment très vif de la nature se lit dans tous les détails de ce paysage, sans doute très fidèle et tel que les Colonais n’en avaient pas encore peint : le petit bois frais et mys¬ térieux par delà lequel luisent les murailles blanches et les toits rouges et pointus des portes de la ville mirés dans l’eau de la rivière, la fontaine rustique au bas des rochers, et, au premier plan, le marécage où une cigogne vient de saisir une grenouille. La Madone au buisson de roses de Martin Schongauer est trop connue pour avoir besoin d’être longuement décrite. C’est une des productions les plus charmantes de l’école du Haut-Rhin et aussi une des plus touchantes : la beauté idéale, surnaturelle, des Vierges de Lochncr et des maîtres colonais; un accent de tendresse humaine se mêle au caractère céleste de la Mère de Dieu et vient plisser ses lèvres en un sourire doux et triste; et quelle délicieuse impression de nature dans cette haie de rosiers où les oiseaux sau¬ tillent et gazouillent à l’envi! Exécutée vers 1470, au retour du voyage de Schongauer dans les Flandres, l’œuvre atteste l'influence des maîtres de ce pays, surtout de Rogier van der Weyden, influence dont, au rebours de Lochncr, l’artiste se dégagera de plus en plus pour devenir tout à fait personnel et essentiellement allemand. Peu visible dans la sacristie de l’église Saint-Martin de Colmar, où elle est accrochée d’ordinaire, on est heureux d’admirer ici à portée et tout à l’aise cette œuvre délicieuse (quoiqu’on ait en même temps le regret de constater les avaries qu’elle a subies au cours des temps) et on ne se lasse pas d’admirer la richesse poétique de la composition *, l’éclat des coloris, le soin de la facture, surtout le senli- avoir transmis à Witz le style « eyckien ». En tout cas, la parenté est évidente entre le tableau de Strasbourg dont nous allons parler et celui d’Aix. 1. Une ancienne copie de ce tableau, conservée aujourd’hui dans la collec-