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300 GAZETTE DES BEAUX-ARTS de La Valette. En un jour, deux au plus, tout est vu. L’église cathé¬ drale de Saint-Jean, dallée des tombes des chevaliers et revêtue de somptueuses décorations, parfois d’un goût douteux, retiendra surtout l’attention. Le petit musée d’antiquités locales, les collec¬ tions de tapisseries de l’église cathédrale et du palais, la jolie église du faubourg de la Floriana, et même l’antique basilique de Civita Vecchia, n’exigent pas de longues stations. C’est avant tout l’église Saint-Jean, située au milieu de la ville, à côté du palais du gouvernement, tout au sommet de ce roc abrupt sur lequel est construite La Valette, qui doit attirer les regards du voyageur et de l’artiste. Edifiée par le Toulousain Jean Parisot de La Valette, né en 1408, mort à Malle en 1568, l’église Saint-Jean porte bien l’empreinte de l’époque qui l’a vu construire. « Trop dorée, trop chargée de peintures et d’ornements rococo, dit un des plus récents visiteurs de l’île1, elle manifeste bien par ses défauts mêmes et par la richesse exubérante de sa décoration, la puissance et la magnificence des chevaliers; le pavé, fait de marbres et de mosaïques, répète les noms et retrace les armoiries des digni¬ taires, et, dans les huit chapelles latérales, appartenant aux huit nations dont se composait l’Ordre, les grands-maîtres dorment dans leurs sarcophages de marbre et de porphyre. Aux jours de grande solennité, Saint-Jean déploie la merveille de son trésor, une suite de splendides tapisseries des Gobelins, cadeau royal de Louis XIV à un grand-maître. » L’occasion nous ayant été donnée à diverses reprises d’examiner de près et d’étudier cette tenture, nous nous proposons d’en pré¬ senter une description détaillée dans les pages suivantes et d’y joindre les observations suggérées par leur examen attentif. 11 faut d'abord constater que les tapisseries de l’église des cheva¬ liers ne sortent pas des ateliers des Gobelins; chacune d’elles porte avec elle sa marque d’origine, et c’est la marque d’un atelier bru¬ xellois. De plus, ce n’est pas la magnificence de Louis XIV, comme on le verra tout à l’heure, qui a doté l’édifice de cette riche parure. Il faut se rendre au palais du gouverneur et entrer dans la grande salle où se réunit encore le conseil supérieur de l’île pour y voir exposée en permanence l’œuvre de nos habiles tapissiers. Il existe là, en effet, une suite de tentures unique en sou genre, sortant de la manufacture des Gobelins. Sur ce rocher aride, perdu au milieu des 1.\tRené Pinon, Deux forteresses de la plus grande Bretagne : Gibraltar et Malte (Revue des deux Mondes du 15 juin 1903, p. 838-874).