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LES TAPISSERIES DE MALTE 303 Ce trait seul montre que notre Espagnol ne borna pas son intelli¬ gente générosité à la décoration de l’église et du palais. Peut-être rencontre-t-on dans d’autres quartiers de la ville des traces de sa munificence éclairée et de son goût pour les arts. Avant d’aborder l’examen des tapisseries, il nous paraît indispen¬ sable de dire quelques mots de la biographie du donateur1. Ramon Perellos et Rocafull était, suivant l’abbé de Vertot2, bailli de Négrepont. Il fut élu grand-maître le 7 février 1697, alors qu’il entrait dans sa soixantième année. 11 garda jusqu’en 1719, soit pendant vingt-deux ans, la direction des affaires de l’Ordre. Durant son gouvernement, les chevaliers soutinrent des luttes fréquentes, avec alternatives de succès et de revers, contre les Infidèles. Perellos occupa dignement le poste éminent auquel la confiance de ses pairs l’avait élevé, et son historien résume dans les termes suivants les souvenirs de son administration : « Ce prince se dis¬ tingua par sa libéralité envers les familles ruinées par les Infidèles, augmenta considérablement les fortifications de son île, et n’obmit rien de ce qu’il crut propre à soustenir l’éclat et la gloire de son Ordre. » Sans doute, notre grand-maître disposait de ressources considé¬ rables pour suffire à toutes ces charges. 11 ne faut pas oublier, non plus, que l’avènement d’un petit-fils de Louis XIV au trône d’Es¬ pagne avait confondu les intérêts de la France avec ceux de la péninsule ibérique. Ces deux royaumes n’avaient-ils pas, d’ailleurs, figuré de tout temps parmi les plus fervents défenseurs de la Croix? Ramon Perellos avait remplacé dans ses fonctions Adrien de Wignacourt. Il occupe le soixante-troisième rang dans la liste des grands-maîtres; son successeur fut le Siennois Marc-Antoine Zon- dodari. Sur tous les monuments dont il enrichit La Valette, constructions et tapisseries, il a pris soin de faire inscrire ses armoiries, véritables armes parlantes, portant, au 1er et au 4e, une croix dentelée d’argent sur champ de gueules, au 2e et 3e, trois poires de sinople posées deux et une sur fond d’or, allusion évidente au nom du grand-maître : en langue espagnole, poire se dit pera, et poirier peral, d’où est tiré certainement le nom de Perellos. 1. Voir ci-après l’inscription de la tenture de l’église Saint-Jean. 2. Vertot (Abbé de), Histoire des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jéru¬ salem, etc. 4*vol. in-4o, 1726, tome IV, p. 216-218.