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L’ART KIIMER ET LES RESTITUTIONS DU TROCADËRO 327 On sait que la province du Siem Reap réunit sur les deux rives du fleuve du même nom, avec celles d'Angkor, sur la rive droite, lin grand nombre de ruines de monuments khmers les plus importants, et que des ruines se rencontrent répandues sur toute la surface de ITndo-Chine ancienne, Siam et Laos, Cambodge et Annam; on en trouve toujours de nouvelles. De retour d’un long- voyage aux ruines khmères, tout heureux de l'anneau d'or, qui ne s’était pas donné encore à un Européen, et des hommages qu’il avait reçus du roi Norodom, Saint-Saôns nous raconte avoir vu un petit temple nommé Batchoum, tout petit, plus joli à lui seul que toutes les pagoderies du royaume. Il faut donc nous attendre à de nouvelles découvertes de la mission permanente récemment organisée au Cam¬ bodge, laquelle s’occupe des collections des musées de ITndo-Chine, si elle veut bien faire parvenir à Paris des moulages de ses travaux d’exploration, qui vont leur train, malgré les difficultés au Siam. Mais, quels qu'en soient les résultats acquis, il ne se fait point de restitu¬ tions dans les ruines des monuments, au milieu des pierres séparées par une végétation envahissante, renversées éparses dans la brousse et les racines, à travers lesquelles on ne peut se frayer passage qu'à grand’peine, et souvent grand danger, pour découvrir les formes primordiales des sculptures brisées. Nous pouvons voir, sans aller si loin, des restitutions dessinées, des fragments de monuments entiers, édifiés en plein air, des scul¬ ptures originales envoyées par des donataires, et des moulages rapportés par les missions qui se sont succédé depuis le retour du lieutenant de vaisseau Louis Delaporte en 1873, lesquels forment, au Musée des antiquités cambodgiennes au Trocadéro, des collections, dues à l’organisation lente et laborieuse que M. Delaporte, aidé d’ar¬ tistes éminents,y apporta sans relâche, et qui semblent être le point de départ de l’expression positive des formes de cet art khmer, presque inconnu il y a seulement quelque trente ans. L’aspect le plus frappant qui résulte de cet ensemble révèle d'abord un. sentiment de grandeur et de simplicité, engendré par des formes et des conceptions diverses, souvent fantastiques et étonnantes : tels les yaks porteurs de massues, ces gardiens du temple de Préasat-Prathcol, ces énormes oiseaux flanquant de leurs ailes déployées les angles des terrasses et des tourelles, ces lions étagés au nombre de cent sur la pyramide assise au centre d'Angkor, ces éléphants superposés sur les gradins du temple de Préasat-Préa- Tomrey, ces balustrades aux longs corps de serpents heptocéphales