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334 GAZETTE DES BEAUX-ARTS lèle ces deux monuments bien différents, qui pourraient être choisis comme exemples des deux périodes qui constituent à l’art khmer deux styles bien distincts. L’effet prodigieux des cinquante et une tours de la pagode de Bayon, entourant une tour centrale, toutes ornées en leurs milieux de la quadruple face béate de Brahma couronnée de tiares, aux oreilles chargées de bijoux, domine des galeries ornées de bas-reliefs, de huit cents mètres de pourtour, où se développent des scènes de combats et des scènes d’adoration, aux compositions remplies d’en¬ train et de verve; scènes qu’il serait surprenant de trouver côte à côte sur un édifice religieux, si le culte deCiva, c’est-à-dire la gloire des combats, n’était partie intégrante dans laTrimourti brahmanique. Les bas-reliefs de ces galeries du temple de Bayon sont chargés de sculptures décoratives, d’ornements et de figures aux composi¬ tions animées et fécondes, mais n’excellant pas dans la pureté des formes, qualités absolument acquises sur les bas-reliefs du temple d’Angkor-Vat; et les tours, sculptées depuis les bases jusqu’aux sommets, lesquelles sont, dans cette'agglomération de l’édifice de Bayon, l’élément architectural prédominant, disparaissent, au temple d’Àngkor-Vat, pour faire place à trois étages de longues galeries, au centre desquelles s’élève, majestueuse, la grande pyramide de soixante-quatre mètres de hauteur. Ces galeries sont élevées sur de hauts soubassements à filets et à moulures sculptés, où une dissertation profonde des bas-reliefs exprime les phases de la science décorative la plus savante : ici, la pondération se voit liée à l’accentuation de la forme, les reliefs ont un langage accompli, et l’ornementation riche et fournie peut, mal¬ gré la profusion, exprimer des formes décoratives, liées entre elles avec la plus parfaite harmonie. En général, les frises à plans verticaux sont incrustées, et celles à surfaces courbes sont sculptées en relief; par ce procédé est obtenue une opposition constante; et la monotonie est évitée, qu’en¬ gendreraient les frises superposées dont ces soubassements sont uniquement composés, si elles étaient sculptées en reliefs égaux d’épaisseur. Ce principe d’architecture, bien affirmé sur les murailles du temple d’Angkor-Vat, ne se voit que timide encore sur celles du temple de Bayon. Les figures féminines, aux torses mouvementés et assouplis, qui sont un des plus attrayants décors de la sculpture cambodgienne,