Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/391

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342 GAZETTE DES BEAUX-ARTS portrait, moins familier à son talent. Telle grande figure peinte par lui, comme ce Philosophe ou Alchimiste auquel les Goncourt ont découvert qu’il prêta les traits de son ami, et du petit nombre de celles dont on soit sûr qu'il est Fauteur, présente un air de voisinage avec ce que les gravures nous permettent de connaître de certaines toiles d’Aved : Y Abbé Caperonnier, le Père de Linière, la grande image de Jean-Baptiste Rousseau. Des deux côtés, c'est la même énergie du trait à arrêter le personnage dans ses contours, dans les lignes caractéristiques de son visage, dans les plissures. de ses vête¬ ments, à accumuler autour de lui quantité d’accessoires d’un accent de matérielle ^rilé, presque inconnue à une époque où, pour ces sortes de choses, on s’accommodait en général d’un rendu sommaire et conventionnel. N’y eut-il pas non plus une influence de notre peintre, tout frais émoulu de ces maîtres du Nord, dans la prédilection qui vint à Chardin pour les mêmes maîtres? Celui-ci, après sa célèbre toile de la Raie, où il avait déversé toute sa fougue juvénile et qui lui avait presque triomphalement ouvert les portes de l’Académie, avait semblé quelque temps hésiter sur la voie dans laquelle il devait s’engager; des toiles datées 1732 : la Jeune femme attendant avec impatience qu'on lui donne de la lumière pour cacheter une lettre, ou 1737 : le Jeune écolier des¬ sinant^ qui figurait au Petit Palais à l’Exposition de 1900, offrent quelque chose de mince et de chiffonné tout à fait dans Je goût cou¬ rant de l’époque. Ce n’est que dans la suite qu’il s’afiirma définiti¬ vement avec sa pratique large, sûre, solidement assise, généreuse¬ ment étalée, où il s’est montré le plus foncièrement peintre de tous les artistes de son temps. Il fut alors conquis par un maître pour lequel il pouvait voir Aved professer lui-même un grand culte, par Rembrandt. Son compagnon possédait en effet quelques beaux mor¬ ceaux du puissant visionnaire, du prestigieux praticien de celte ville d’Amsterdam où il avait commencé d’apprendre à manier le pinceau; le catalogue de sa collection en énonce près d’une hui. taine : une Suzanne au bain, un Philosophe tenant entre ses deux mains un livre ouvert, une Jeune fille tenant un livre de musique, les portraits de Léonard Bramer et de Princesse de Nassau-Sighem\ 4. Ce sont les dénominations données par l’expert Rémy, l’auteur de l’inven¬ taire, et qui étaient alors admises. Elles ont été depuis rectifiées. Notons que la Suzanne au bain est l’œuvre qui fait aujourd’hui partie du musée de Berlin. Elle avait passé pendant la Révolution, de la collection des descendants d’Aved, alors réfugiés à Londres, dans celle du peintre Reynolds.