Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/425

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368\tGAZETTE DES BEAUX-ARTS Mais ce qui doit, dans la décoration de Kahrié-djami, attirer par¬ ticulièrement l’attention, ce sont les deux longues suites de scènes évangéliques qui en forment la partie essentielle. L’une représente les épisodes de la vie du Christ, l’autre les épisodes de la vie de la Vierge. Par une disposition d’une ingénieuse symétrie, l’artiste a en quelque façon résumé ces deux grands cycles dans les mosaïques qui couvrent les coupoles du second narthex. Dans l’une, le Sauveur plane au centre, ayant au-dessous de lui, dans les longs fuseaux creux qui forment la coupole, les figures des patriarches et des représentants des tribus d’Israël. Dans l’autre, autour delà Madone, se rangent les images des rois d'Israël et des prophètes. Une com¬ position colossale, malheureusement assez endommagée, relie, sur l’un des panneaux latéraux du second narthex, les deux cycles évan¬ géliques. C’est la scène bien connue dans l’iconographie byzantine sous le nom de la Prière (Aroasç), et qui montre le Christ debout entre la Vierge et l’évangôliste saint Jean1. Mais plus intéressantes encore, car nulle part peut-être on ne les rencontre plus complètes et plus charmantes, sont les compositions qui racontent la vie de la Madone et la vie du Sauveur. D’assez bonne heure, dans l’église chrétienne et surtout en Orient, la Vierge prit aux côtés de son divin Fils une place émi¬ nente. D’assez bonne heure, les controverses théologiques sur la nature du Christ amenèrent à définir plus précisément le caractère de sa mère : dès le ve siècle le concile d’Éphèse lui décernait solennel¬ lement le nom de Theotokos ou mère de Dieu. Dès lors elle devint, si l’on peut dire, la divinité favorite des Byzantins. En son honneur les églises s’élevèrent; pour la célébrer, les fêtes se multiplièrent ; elle fut la patronne, la protectrice de l’Empire, celle dont l’inter¬ vention éloignait les catastrophes menaçantes, dont les saintes images assuraient la victoire à son peuple; comme jadis, dans la Grèce antique, Pallas Àthéné, elle fut la Miséricordieuse (vj i'Xeoücx), l’immaculée (-avxypxvToç), la Victorieuse (vuco~oîo;), la Conductrice (6£rJyY)Tpia). C’est elle qui, en 544, délivre Constantinople de la peste ; elle qui, en 026, délivre Constantinople des Avares. Ses images remplissent les sanctuaires, ses reliques sont vénérées partout avec une ardente et tendre dévotion. Les épisodes de sa vie fournissent les thèmes ordinaires de leur éloquence aux prédicateurs comme 1. Par une dérogation au thème habituel, qui souligne encore l’étroit rapport établi à Chora entre le Christ et la Vierge, saint Jean manque dans cette repré¬ sentation.