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370 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Cette littérature, d'origine toute populaire, qui apparaît dès la fin du second siècle, devait avoir pour le développement du christianisme d’extraordinaires conséquences. Naïve et souvent puérile, parfois aussi pleine de grandeur ou de grâce, elle rencontra vite un succès prodigieux. Les Évangiles apocryphes plurent à la foule, ils four¬ nirent des thèmes nouveaux à la prédication. Dès le ive siècle les Pères grecs les adoptèrent; l’Eglise grecque, les tenant pour à demi inspirés, les admit parmi les textes sacrés qu’on lisait publiquement aux fidèles; bien plus que les évangiles canoniques, les apocryphes furent dans toutes les mains. De là vinrent quelques-unes des plus belles fêtes chrétiennes; de là naquirent presque entières la dévotion à la Vierge et l’importance que prirent dans le christianisme saint Joseph, sainte Anne, saint Joachim. Mais l’art surtout leur dut in¬ finiment. « Aucun livre, dit Renan du Protévangile de Jacques, n’a eu autant de conséquences que celui-ci pour l’histoire des fêtes chré¬ tiennes et de l’art chrétien... L’iconographie chrétienne, soit byzan¬ tine, soit latine, y a toutes ses racines. L’école pérugine n’aurait eu aucun Sposalizio; l’école vénitienne aucune Assomption, aucune Présentation; l’école byzantine, aucune Descente de Jésus dans les Limbes, sans les apocryphes1. » Quelques-uns des plus charmants détails de la Nativité, le bœuf et l’àne debout près de la crèche de Jésus, viennent de là. Giotlo à l’Arena de Padoue, Taddeo Gaddi, dans les fresques de Santa Croce de Florence, ont puisé largement dans le trésor des Evangiles apocryphes. L’art chrétien des premiers siècles, l’art byzantin du vic siècle même, les négligea pourtant. Mais quand toute une littérature na¬ quit, fondée sur ces écrits, quand surtout les fêtes, les chants litiu^giques, la dévotion populaire accrurent prodigieusement l’im¬ portance de la Vierge, quand le cycle de la Madone pénétra néces¬ sairement dans l’iconographie, c’est aux Évangiles apocryphes qu’on en demanda naturellement la matière. C’est à partir du xlc siècle que ces composilions apparaissent dans les manuscrits et sur les murailles des églises, à Sainte-Sophie de Kief comme à Baphni, dans le Ménologe basilien du Vatican comme dans le recueil des homélies sur la Vierge que conserve notre Bibliothèque Natio¬ nale (gr. 1208). Et, dès lors, la faveur de ces thèmes nouveaux ne s’arrêta plus : on trouve le cycle de la Vierge dans les églises de Mistra comme dans les églises de l’Athos, tantôt largement déve- i. Renan, L'Éc/Use chrétienne, p. 309, 317.