Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/454

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394\tGAZETTE DES BEAUX-ARTS l’artiste de son grand tableau en Diane, dont il aurait répété, peut- être deux fois, la partie essentielle. Une donnée inattendue vient compliquer ce petit problème sans le résoudre. L’esquisse du portrait en buste existe dans la collection de M. Thiébault-Sisson ; c’est une toute petite toile, où le peintre a marqué, par quelques indications rapides et d’un pinceau sûr, tous les détails du tableau qu’il proje¬ tait. 11 y a, pour le dire en passant, un plaisir véritable à surprendre Nattier dans les secrets de sa composition, et ses dons de coloriste, souvent disparus de ses grandes toiles, s’y accusent avec une certaine puissance. Cette esquisse précieuse, qui n’a peut-être pas été prise devant la nature, n’a point été faite seulement en vue des recherches de tons, mais aussi pour indiquer au modèle ce que l’artiste songeait à exécuter. Lui proposait-il une composition nouvelle ou un arran¬ gement du tableau fait parle Roi?Rien ne le dit. Quoi qu’il en soit, voici une œuvre dont l’histoire est singulière¬ ment complète, de l’esquisse jusqu’à la gravure. On doit, toutefois, vérifier, autant qu’il est possible, l’identification du personnage. Il ne suffit pas que l’original de Saint-Omer et la répétition de Ver¬ sailles reproduisent,détail pour détail, pli pour pli, la disposition des petits portraits gravés de Mmfide Pompadour. Mais cette présomption d’identité, quelque suffisante qu’elle paraisse, se justifie par l'examen du visage. Evidemment, il n’y faut pas chercher une ressemblance que Nattier n’a jamais su donner et qu’on ne peut demander nulle part, malheureusement, à son oeuvre; toutefois aucun trait ne s’y trouve en désaccord avec la tradition iconographique de la mar¬ quise. La fête, volontairement tirée vers la grâce et la séduction, otl're cependant la même construction générale que dans la prépara¬ tion de La Tour; on y note même la couleur indécise des yeux et l’indication des cheveux châtains. C’est la marquise vue par Nattier, mais c’est bien la marquise. Ce portrait, dont l’exemplaire de Versailles nous a longtemps inquiété, et dont la désignation ancienne était déjà reconnue fausse, apporte donc une heureuse surprise. À défaut du grand tableau com¬ mandé par Louis XV, et qui se retrouvera peut-être un jour, nous avons une œuvre plus intime, exécutée probablement pour la favorite elle-même; et voici, ajoutée à la galerie de ces images, si différentes les unes des autres, si délicieuses et si déconcertantes par leur variété, une Mme de Pompadour nouvelle, et non la moins enchanteresse. riEHRE DE NOLIIAC