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46 GAZETTE DES BEAUX-ARTS latine. Au xv° siècle on savait encore son nom. Dans la Bibliothèque du duc de Berry, il y avait un livre d’Heures qu’on appelait Heure* de Pucelle. Ces trois noms de Jean Pucelle, Ancelet de Sens et Jacquet Maci méritent d’être retenus. Leur œuvre, qui annonce des temps nouveaux, reste pourtant la plus délicate Heur du vrai moyen âge. Certaines pages sont la grâce, la poésie même. Il y a dans le Bréviaire de Belleville une miniature qui n’a pas été peinte, mais seulement esquissée. Le travail en est pur comme celui des figures qui ornent les vases grecs. Il monte de ces pages un arôme léger qui est le génie de l’Ile-de-France. C’est une élégance raffinée de la ligne et de la couleur, des tons volontairement amortis, des nuances cendrées. Tout le reste paraît barbare, en comparaison. Si Jean Pucelle eût pu voir les fresques que peignait Giotto, dans le temps où il enluminait ses livres, il eût admiré la vérité de quelques gestes, mais il eût sans doute trouvé tout cela un peu lourd. Jean Pucelle et ses collaborateurs vivaient-ils encore vers 1364, au commencement du règne de Charles V? On en peut douter. Mais, c’est, sans aucun doute, un artiste formé à leur école qui enlumina le bréviaire destiné au jeune roi1. Il ne s’est pas contenté d’imiter le style de ses maîtres, il a copié fidèlement quelques-unes de leurs œuvres. J’ai noté, dans le Bréviaire de Charles V,six miniatures qui sont empruntées au Bréviaire de Belleville2. Mais il y a chez le pein¬ tre de Charles V quelque chose de plus que chez Pucelle, Ancelet et Maci. Cet artiste inconnu est plus épris de la nature que ses de¬ vanciers. Dans les marges il peint de minuscules papillons et de petits oiseaux qui sont d’une frappante vérité. L’art commence donc à se mettre naïvement à l’école de la nature. Il n’a pas honte de copier les choses telles qu’elles sont, et l’on pressent déjà les merveilles du siècle suivant3. Charles Y aimait les beaux livres. Sur ses plus précieux raanu- 1. Je dis « jeune » parce que, au f° 261 du manuscrit (B. N., latin 1032, n° 41 du catalogue), on voit agenouillé un roi au grand nez (évidemment Charles V) qui semble encore tout jeune. 2. F03 219, 226, 232, 238, 243, 232 v®. 3. Que de choses intéressantes encore dans ce Bréviaire de Charles V! On y rencontre déjà parfois ces amples draperies que Courajod considérait comme une invention de l’école bourguignonne du xv° siècle. Au point de vue de l’icono¬ graphie, c’est un mélange de tradition et de nouveauté. J’y vois pour la première fois le type définitif du saint Christophe portant l’Enfant (f® 249), tel que les Flamands nous l’emprunteront au xve siècle. On y verra aussi (f° 529) Jésus- Çhrist faisant communier saint Denis dans sa prison, motif qui n’est donc pas une invention de Malouel.