Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/531

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LE SALON D’AUTOMNE 459 vent maintenant un corollaire dans le Salon d’automne, inauguré T an passé. Ses allures libérales le rapprochent du Salon des Indépendants, ou encore des expositions impressionnistes de glorieuse mémoire;mais le programme paraît plus vaste, les éléments constitutifs sont plus divers à raison de l’ambition évidente d’unir les forces vives de l’art, de faire la somme des initiatives, d'où qu’elles viennent, en quelque sens qu’elles soient dirigées; c’est un lieu d’entente et de combat, un asile ouvert à l’originalité, où,à travers la confusion des recherches, chacun pressent un art qui évolue et qui saura ajouter au legs ancestral. On y peut embrasser le généreux essor d’une jeunesse ardente, dont le labeur n’apparaît, au cours de l’an, que dissé¬ miné, morcelé, fragmenté; on y goûte le talent inédit, dans la ver¬ deur, parfois un peu acre, de ses prémices ; on s’y édifie au long sur ce que Duranty appelait naguère les tendances de la « nouvelle peinture1 ». Tenez que ces inventeurs, si volontiers qualifiés de révolution¬ naires, ne croient en aucune façon à la génération spontanée; ils se reconnaissent les descendants de maîtres auxquels ils aiment à rendre hommage. De là toute une série d’expositions rétrospec¬ tives, récapitulatives, historiques pour mieux dire, qui établissent les filiations, rattachent le présent au temps jadis et invitent à re¬ monter très avant dans le passé. Le souvenir renoue par delà Pu vis de Chavannes avec Ghassériau, par delà Cézanne avec Courbet, par delà Odilon Redon avec Rodolphe Bresdin, par delà Lautrec avec Dau- mier et Degas. Sans contredit, malgré ces évocations, plus d’un an¬ neau manque à la chaîne et L’on s’abuserait à négliger l’ascendant exercé sur les dernières générations par un Gauguin, un van Gogh ou un Seurat; d’autre part les actions subies se juxtaposent, s’en¬ chevêtrent, se combinent : ainsi un groupe de peintres se peut se réclamer à la fois de Gustave Moreau et de Cézanne ; certains allie¬ ront Fantin-Latour et Seurat dans la ferveur d’une dilection com¬ mune; Maurice Denis, le tendre et délicieux décorateur de l’église du Yésinet, procède tout ensemble de Puvis de Chavannes et de Gauguin. N’importe : à la faveur d’éclaircissements répétés, des mouvements d’art tenus naguère pour déraisonnables ne présentent plus rien de déconcertant aujourd’hui, et l’expérience a appris combien est près de sembler légitime ce qui cesse de paraître inex¬ plicable. 1. La Nouvelle peinture, par Duranty. Dentu, 1876; brochure in-8°.