Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/534

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LE SALON D’AUTOMNE 461 cle fleurs, visions de grâce, de jeunesse, de volupté, dont il transcrit le passager éclat, au fil de la vie, l’âme en joie. L’affinement natif le porte à priser par-dessus tout le charme de la femme, de l’enfance, et la sensibilité trouve, pour s’exprimer, le verbe d’un coloris har¬ monieux et tendre, qui se nacre, s’opalise et se diapré aux reflets de clartés rosées, verdâtres ou bleuissantes, comme en certain tableau de Vermeer ou de Gainsborough. Ah le maître précieux et rare entre tous, et combien on s’honore à le célébrer ! Faut-il maintenant s’étonner de l’influence exercée et regretter en M. Renoir l’initiateur inconscient auquel il échut de révéler à eux-mêmes et d’orienter vers des voies heureuses tant de talents nouveaux? A Dieu ne plaise, en vérité. Par là encore se marquent le rôle et l’importance de M. Renoir dans la peinture moderne. Sans lui nous n’aurions ni MIle Dufau, ni M. d’Espagnat, ni M. Félix, niM. Durenne, dont l’avenir s’annonce si riant de promesses. L’art fascinant et souple de Mlie Dufau vient rappeler combien le principe même de l’impressionnisme est pour répondre et s’adapter aux inclinations foncières du tempérament féminin. Songez à Eva Gonzalès, à Miss Cassait et à Berthe Morizot, dont une disciple fer¬ vente, Mme Gobillard, prolonge ici le souvenir; puis il y a aussi Mlle Marie Bermond et Mme Jelka Rosen; il y a MIlc Chauchet, qui s’égale à M. Roll lorsqu’elle dit les ruissellements de la lumière par les après-midi limpides. Un tableau de M. Dusouchet participe du même ordre d’observation; c’est, au détour de l’allée d’un parc, la tendre étreinte de quelque Maternité : un pâle soleil de printemps caresse et enveloppe de ses rayons timides le groupe de l’enfant nu et de la mère devant lui agenouillée, en robe blanche; la fraîcheur des tendres onalités y sert délicieusement l’expression du senti¬ ment, ému et touchant à l’extrême. Déjà l’atmosphère, moins diaphane, plus septentrionale, se voile et se perle d’une buée légère dans la série de Portraits au jardin qu’a signés M. Kousnetzoff, valables effigies d’une conduite libre et aisée, où le modèle ne cesse pas de vivre sa vie pleine, en gardant l’indépendance de ses allures familières. M. Max Liebermann a tenté d’acclimater à Berlin les doctrines de l’impressionnisme, en mettant au service de son entreprise l’autorité d’un grand talent et les chances de persuasion d’une foi profonde; il ne semble guère être parvenu à ses fins, comme si les recherches d’optique et de technique éloignaient de ses voies naturelles le génie d’outre-Rhin, plus positif, autrement soucieux de la réalité morale que de l’agrément de l’aspect et de