Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/541

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468 GAZETTE DES BEAUX-ARTS on dirait que la fraîcheur de son âme naïve et subtile, se mire dans son art tendre, ingénu et savant. Il a pu enrichir son information par un quotidien commerce avec les plus nobles génies ; sa candeur est demeurée hors d’atteinte, sauvée par la lucidité d’un sens critiqué très sur qu’atteste maint écrit judicieux. N’était la difficulté de la tâche et la crainte d’y insuffire, on aimerait chercher en quoi M. Yuillard se différencie des autres peintres d’intérieur et quels privilèges tout individuels l’ont induit à divulguer avec un charme plus persuasif, les liens secrets qui unissent la créature aux objets inanimés témoins de son geste fami¬ lier. J’entends qu’en pareille occurrence le pouvoir d’équivalence morale de la lumière est souverain, et j’accorde que M. Yuillard apporte une infinie subtilité à en décomposer les effets, à en suivre les jeux et à tresser l'invisible réseau qui enveloppera, comme d’une caresse, le personnage et son entour; mais pour réaliser l’unité d’atmosphère grâce à quoi êtres et choses sembleront partici¬ per d’une vie commune, il importe que la discipline de l’éclairage soit partout suivie,que les couleurs s’apaisent et s’accordent aux molles clartés d’un jour tamisé; et voici précisément que la palette de M. Vuillard abonde en nuances atténuées, voilées, perlées dont l’unisson prépare la volupté des plus rares harmonies; à ces qua¬ lités primordiales, s’ajoutent l’attrait qui résulte de mises en toile imprévues, puis une notion très nette de l’ordonnance particulière à nos appartements modernes; loin d’en rendre seulement l’aspect, AI. Vuillard fait pressentir leur parfaite convenance à l’esprit du temps qui les a vu créer1. Jusqu’ici il n’a été fait qu’une brève allusion au rôle tenu par M. Degas, et cependant la recherche passionnée du caractère l’avait porté, dès la première heure, vers l’exaltation de la vérité où devaient tendre les symbolistes. Ses procédés graphiques sont ceux qu’ils ont le plus volontiers adoptés, et qui donc leur a appris, mieux que M. Degas, le secret des régénérations promises par l’art de l’Extrême-Orient? Toulouse-Lautrec est le disciple inconscient de ce maître qui n’a pas formé d’élève et M. Degas a connu l’étrange destin d’être continué par un artiste auquel il survit. En premier lieu, Toulouse-Lautrec emprunte tout à son initiateur : le principe 1. Cette impression, on l’éprouve encore, à un degré moindre toutefois, devant une seconde série d’intérieurs de M. Vallotton, et je consigne, au passage, que rintluencc de M. Vuillard ne laisse pas que de se faire sentir sur M. André, sur M. A. Bourgeois, par exemple.